Douze entreprises, en majorité allemandes, ont donné hier le coup d'envoi d'un projet pharaonique de 400 milliards d'euros (650 milliards CAN): un vaste réseau de centrales solaires dans le nord de l'Afrique et au Moyen-Orient pour alimenter l'Europe en énergie «propre».

Un protocole d'accord a été signé à Munich pour la création d'un bureau d'études. Parmi les sociétés participantes, qui n'apparaissent ni comme des philanthropes ni comme des fantaisistes: les géants allemands de l'énergie Siemens, EON et RWE, le réassureur Munich Re, la banque Deutsche Bank, des fabricants de technologie solaire comme l'espagnol Abengoa Solar, l'algérien Cevital et la fondation porteuse de ce projet, nommé Desertec.

 

Si le projet va de l'avant, il pourrait créer deux millions d'emplois, maintiennent les promoteurs.

Le bureau d'études, qui sera créé d'ici à la fin d'octobre, élaborera des plans d'investissement réalisables au cours des trois prochaines années.

Sur le papier, Desertec apparaît comme la solution à tous les grands défis environnementaux et économiques actuels. Il promet de couvrir à terme 15% des besoins énergétiques de l'Europe et «une part considérable» de ceux des pays producteurs, de réduire la production de CO2, mais aussi de dessaler l'eau de mer pour fournir de l'eau potable aux populations locales et contribuer à leur développement.

Le principe: un réseau de centrales thermiques solaires disséminées du Maroc jusqu'à l'Arabie Saoudite et qui serait relié à l'Europe par le biais de câbles électriques sous-marins.

«Aujourd'hui, nous avons fait un pas en avant» vers sa réalisation, s'est réjoui Nikolaus von Bomhard, patron de Munich Re, au cours d'une conférence de presse.

Questions en suspens

Mais de nombreuses questions ne sont pas résolues, comme les lieux d'implantation de ces installations, leur date de mise en service, le coût du courant produit, le bénéfice qu'en tireront les pays africains et arabes, le manque de stabilité politique dans certaines régions productrices et le financement de ce projet, dont le coût est estimé à 400 milliards d'euros, soit 650 milliards de dollars canadiens. C'est presque l'équivalent du plan de relance économique du gouvernement américain ou encore de celui de la Chine.

Aucune réponse claire n'a été apportée hier, les promoteurs de Desertec arguant que c'est à présent le travail du bureau d'études d'y répondre. Pour autant, ils ont défendu la viabilité du projet, qui fait l'objet depuis plusieurs semaines d'un énorme battage médiatique.

Selon Torsten Jeworrek, membre du directoire de Munich Re, il est judicieux de s'installer en Afrique car «les sites de production sont plus ensoleillés» que dans le sud de l'Europe. Il a également rejeté les risques terroristes, faisant valoir au contraire que l'apport de Desertec au développement économique de ces régions pouvait contribuer à leur stabilité politique.

Si ce projet devait voir le jour, ce ne sera pas demain. Ces plans sont en effet conçus à l'échelle de 2050 (même si des installations devraient être construites avant), la question de son financement n'est pas réglée et il aura besoin du soutien des politiques.

La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont déjà salué le projet, mais Desertec n'échappe pas aux critiques.

Selon le député social-démocrate allemand Hermann Scheer, pas besoin d'aller en Afrique pour fournir de l'énergie propre à l'Europe. «Nous pourrions investir les 400 milliards d'euros ici», explique-t-il à l'AFP, défendant l'idée d'un réseau décentralisé d'exploitants dans les énergies vertes, plutôt que de le laisser aux mains d'un monopole de grandes entreprises.

D'autres doutent des chances de développement pour les pays producteurs et pensent que l'intérêt défendu est avant celui de l'Europe. Ce que le quotidien Handesblatt résume en un mot: «éco-colonialisme».