À priori, difficile de percevoir l'ombre d'un changement en arpentant les rues de la capitale française, qui demeure depuis des lustres l'une des destinations touristiques les plus courues de la planète.

Dans l'île Saint-Louis, des dizaines de curieux s'enlignent tous les jours devant les boutiques pour goûter les glaces Berthillon, devenus par quelque miracle du marketing moderne un passage obligé pour tout visiteur de la Ville-lumière.

À un jet de pierre de là, des familles font le pied de grue, matin comme après-midi, en attendant de découvrir les splendeurs de la cathédrale Notre-Dame. Sur la Seine, en contrebas, passent et repassent des vedettes bondées de bruyants passagers.

L'heure est néanmoins à la morosité parmi les commerçants du secteur, qui évoquent une baisse de fréquentation substantielle de leurs établissements.

«On parle d'une diminution de chiffre d'affaires entre 30 et 50%. C'est la même chose pour tout le monde», confie Barbara, vendeuse au magasin de souvenirs «Paris Forever».

«Il y a beaucoup moins de touristes. Et ceux qui viennent sont beaucoup plus attentifs à leur argent», indique la commerçante, qui se fait souvent demander de revoir à la baisse le prix demandé pour ses versions miniatures de la tour Eiffel ou ses plaques de rue.

«Les gens se permettent de voyager mais ils font très attention après de ne pas dépasser leur budget. C'est normal. On ne sait pas de quoi demain sera fait avec cette crise économique», ajoute-t-elle.

Les magasins de souvenirs ne sont pas les seuls à se plaindre par les temps qui courent de la rareté relative des touristes.

Les hôteliers, qui avaient résisté au pire en 2008, ont vu le nombre de nuitées reculer de plus de 10% en février, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, qui prévoyait une accélération de la baisse pour les mois subséquents.

Les prévisions pour la haute saison d'été ne sont pas très encourageantes, confirme la présidente de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, Christine Pujol, qui s'inquiète «terriblement» à ce sujet.

Les visiteurs en provenance de certains pays habituellement friands de la France ont pratiquement «disparu», indique la porte-parole, qui s'étonne du faible nombre de ressortissants anglais. Pour nombre d'entre eux, la dévaluation marquée de la livre face à l'euro a rendu les voyages outre-Manche trop onéreux.

Nombre d'agents de voyages et de compagnies aériennes cassent les prix pour contrecarrer la baisse, ce qui fait le jeu de visiteurs comme Diane, une Australienne de 43 ans croisée au centre-ville avec ses trois enfants.

«Singapour Airlines offrait le voyage pour l'Europe à moitié prix. On pensait d'abord n'envoyer que ma fille et mon père en visite mais on s'est dit que ça valait la peine de faire venir tout le monde à ce prix-là», relate-t-elle.

Le secrétaire d'État au tourisme, Hervé Novelli, estime que l'industrie touristique nationale pourra éviter le pire grâce au tourisme «interne», la crise augmentant plus encore le pourcentage déjà élevé de Français qui préfèrent passer des vacances dans le pays plutôt qu'à l'étranger.

La situation hexagonale n'a rien d'exceptionnelle à en juger par les projections de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui prévoit une baisse des arrivées de touristes internationaux pouvant atteindre jusqu'à 3% pour 2009 à l'échelle du continent. Une baisse du même ordre a été enregistrée en 2008.

Les dirigeants de l'organisation ont mis sur pied un comité de crise chargé de répertorier les mesures mises de l'avant par les gouvernements pour stimuler le secteur de manière à encourager les initiatives.

En France, où le tourisme représente 6% du PIB, le gouvernement vient notamment de faire voter une réduction de la TVA pour les restaurants, qui doit permettre de réduire sensiblement le prix de plusieurs plats tout en soutenant la création d'emplois.

Il faudra cependant bien plus pour sortir du marasme, juge Barbara, qui ne croit guère à une issue rapide à la crise. «On en a pour des années», dit la vendeuse.