Agences de notation, assureurs, banques, fonds d'investissement: sept mois après l'éclatement de la crise financière, l'Europe durcit son arsenal de supervision du secteur, mais pas encore assez au goût de certains.

Les agences de notation, jugées coupables de n'avoir pas vu venir la crise mondiale, devront d'ici quelques mois s'enregistrer si elles veulent opérer dans l'UE et pourront perdre leur licence si elles ne respectent pas certaines règles, selon un texte que le Parlement européen doit entériner définitivement jeudi.Les notes attribuées aux entreprises ou aux États par Standard and Poor's et ses consoeurs, véritables vigies de la finance mondiale, sont censées refléter les risques pris par l'investisseur.

Mais les agences ont sous-estimé le poids de certains titres complexes, tels les fameux subprime et autres actifs toxiques qui plombent les bilans des banques.

Leçon tirée de la crise, les agences devront être plus transparentes sur les risques de certains titres et leurs méthodes d'évaluation. Pour améliorer les échanges d'informations, elles seront aussi surveillées par un «collège» réunissant les superviseurs nationaux des 27 pays de l'UE.

L'idée du collège de superviseurs se retrouve dans une autre réforme, pour les assureurs multinationaux.

Baptisée Solvency II et votée mercredi par les eurodéputés, elle impose aussi des critères plus stricts en matière de capitaux, et cherche à améliorer la transparence, «reconnue par beaucoup comme un instrument essentiel en possession des régulateurs pour anticiper le danger d'échec retentissant», selon le rapporteur du texte, le socialiste britannique Peter Skinner.

Mais pour beaucoup d'eurodéputés, le texte ne va pas assez loin. «Il nous faudra immédiatement demain remettre l'ouvrage sur le métier», a estimé la socialiste française Pervenche Pérès.

L'UE veut aussi mieux contrôler les risques pris par les banques, dont le sauvetage sur fonds publics se chiffre déjà selon Bruxelles à 3000 milliards d'euros.

Le Parlement votera en mai un compromis avec les États qui prescrit les fonds propres qu'elles doivent détenir pour couvrir leurs risques, limite la hauteur des prêts qu'elles peuvent accorder à un emprunteur donné, et les oblige à conserver une partie des créances qu'elles transforment en titres vendus sur les marchés.

La crise n'a pas forcément motivé les textes (Solvency II est un chantier ouvert depuis des années), mais accéléré leur adoption, dès la première lecture au Parlement.

Elle a aussi mis la pression sur la Commission européenne, et notamment le commissaire irlandais au marché intérieur Charlie McCreevy, partisan de l'autorégulation des marchés et très critiqué pour être longtemps resté les bras croisés.

Il a particulièrement traîné des pieds sur les fonds spéculatifs. L'Irlandais présentera finalement mercredi des propositions ciblant les sociétés qui gèrent ces fonds. Elles aussi devraient solliciter une autorisation d'exercer en Europe, mais pourraient ensuite commercialiser leurs fonds dans toute l'UE, quel que soit l'endroit où ils sont domiciliés.

Certains critiquent déjà l'ouverture du marché européen à des fonds domiciliés dans des paradis fiscaux. «Quand on considère le point de départ, la réponse à la crise, et le point d'arrivée, un passeport pour les fonds offshore, on est un peu étonnés», a commenté un diplomate européen.

Le texte est aussi censé améliorer la transparence sur le recours à l'endettement, mais ne prévoit que la communication de données agrégées sur l'ensemble des fonds gérés. «Pour assurer la stabilité financière et la surveillance au quotidien, c'est très insuffisant», ajoute cette source.