Les dirigeants des 20 premières économies du monde convergent vers Londres où se tiendra demain un sommet très attendu. En une journée, les chefs du G20 s'attaqueront à une tâche aussi grande que le temps est court: réformer le système financier mondial. Rien de moins.

À en croire nombre de politiciens, financiers et journalistes, ce n'est ni plus ni moins que le sort de la planète qui se jouera au sommet du G20 débutant demain à Londres.

 

Le milliardaire américain George Soros a repris le thème la fin de semaine dernière, prévenant que la rencontre était «cruciale» pour l'économie. À défaut de trouver un consensus sur la voie à suivre pour endiguer la crise en cours, plusieurs pays en périphérie du système financier mondial pourraient «s'effondrer», tirant les marchés boursiers dans une nouvelle spirale baissière.

Vanessa Rossi, analyste de Chatam House, respecté institut de recherche anglais, souligne que ce type de mise en garde exagère l'importance de la rencontre des chefs d'État même si elle convient que l'événement prend une portée particulière en raison de la crise.

«Il n'est pas si facile de changer le monde dans une seule rencontre», ironise en entrevue à La Presse Mme Rossi, qui insiste sur le fait que nombre d'observateurs avisés sont, comme elle, plutôt cyniques quant aux retombées potentielles du sommet.

Il faut espérer que les participants réussiront minimalement à s'entendre sur la question des politiques fiscales et monétaires à suivre pour favoriser le retour de la croissance, souligne l'analyste.

À la veille de la rencontre, le consensus sur ce point semble loin d'être atteint même si les dirigeants des deux côtés de l'océan Atlantique multiplient les déclarations rassurantes.

«La tâche qui nous incombe est d'apporter un message fort d'unité face à la crise», prévenait il y a quelques jours le président américain Barack Obama, en assurant qu'il n'y avait pas de différends fondamentaux avec ses homologues européens sur la marche à suivre.

Le constat semble résolument optimiste dans la mesure où Washington, qui a lancé un vaste plan de relance représentant plus de 5% de son produit intérieur brut (PIB), tente depuis plusieurs semaines de convaincre les principaux États européens d'injecter de nouvelles ressources dans leur économie respective.

La France et l'Allemagne s'opposent notamment à l'idée d'un effort additionnel, arguant qu'il faut d'abord apprécier l'impact des mesures déjà annoncées. Plusieurs pays du Vieux continent craignent de voir leur déficit croître de manière disproportionnée et envisagent avec scepticisme le gigantisme des mesures américaines.

Le premier ministre sortant de la République tchèque, Mirek Topolanek, dont le pays préside l'Union européenne, a illustré les tensions de manière spectaculaire la semaine dernière en soulignant que le plan de stimuli tous azimuts des États-Unis était «la voie vers l'enfer».

Les réserves des dirigeants européens trouvent écho dans une analyse de la banque Natixis, qui souligne que l'impact de la crise du côté américain est «trois fois» plus important, nécessitant une réponse trois fois plus forte.

Lors du sommet des ministres des Finances tenu il y a 10 jours en prévision du G20, le communiqué final était resté très évasif sur le sujet, se contentant de relever que les pays membres feraient un effort «de l'ampleur nécessaire» face à la crise.

À défaut de s'entendre à ce sujet, les pays membres se rejoignent sur la nécessité de mieux réguler le système financier international.

Après s'être fait discrète sur le sujet, l'administration américaine a rejoint la position des Européens, qui préconisent, depuis le début de la crise, un renforcement des mesures de contrôle. Le président français, Nicolas Sarkozy, ne cesse, par exemple, de répéter qu'il faut «moraliser» le capitalisme.

Le secrétaire au Trésor américain, Tim Geithner, a présenté un ambitieux plan à ce sujet la semaine dernière. Et l'UE pourrait adopter dès le mois de juin des textes pour mieux encadrer les fonds spéculatifs et les agences de notation ainsi que la rémunération des dirigeants.

En plus d'annoncer des progrès sur ce plan, les pays participants au G20 devraient réitérer leur opposition de principe au protectionnisme, comme ils l'avaient fait lors d'une précédente réunion tenue à l'automne à Washington.

Malgré ces déclarations, la quasi-totalité des États membres a adopté au cours des derniers mois des mesures protectionnistes, prévenait la semaine dernière la Banque mondiale.

«L'isolationnisme économique peut conduire à un enchaînement négatif d'événements comme nous l'avons vu dans les années 1930», a déclaré le président de l'institution, Robert Zoellick.

L'écart entre les promesses des pays membres du G20 et leurs actions alimente les critiques des altermondialistes, qui ont défilé par dizaines de milliers à Londres au cours de la fin de semaine. D'autres sorties plus musclées sont prévues aujourd'hui pour «mettre la pression» sur les chefs d'État.

Plusieurs groupes ne reconnaissent par la légitimité de l'organisation pour traiter de la crise et réclament un forum plus vaste où l'ensemble des pays touchés pourrait s'exprimer.

«Le 2 avril, 90% du PIB mondial sera représenté à la table des négociations du G20 à Londres. Il ne manquera plus alors que 90% des pays», résumait il y a quelques jours dans une lettre ouverte le secrétaire général du Commonwealth, Kamalesh Sharma.