Les dirigeants des principaux États européens durcissent le ton sur la question de l'évasion fiscale, évoquant de possibles «sanctions» contre les pays et territoires qui rechignent à faire preuve d'une plus grande transparence.

Dans un communiqué, la France, l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne et les Pays-Bas ont souligné en début de semaine qu'ils souhaitaient «mieux se protéger» contre les «dangers provenant des juridictions non coopératives, incluant les paradis fiscaux».

 

La déclaration commune faisait suite à un minisommet tenu à Berlin en prévision de la rencontre du G20 qui aura lieu à Londres au début du mois d'avril.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a dit espérer qu'il soit possible de définir dans les semaines qui viennent la liste précise des pays et territoires qui refusent de coopérer dans la lutte contre l'évasion fiscale.

Elle n'a pas précisé de quelle nature pourraient être les sanctions envisagées. Pas plus que le président français, Nicolas Sarkozy, lui aussi acquis, du moins officiellement, à l'idée.

Le chef d'État avait indiqué à l'automne, sans préciser sa pensée, qu'il entendait revoir les liens de la France avec Monaco et Andorre, identifiés par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) comme des «paradis non coopératifs».

Le ministre français du Budget, Éric Woerth, a déjà évoqué la possibilité de suspendre les ententes fiscales bilatérales avec les pays et territoires réfractaires.

L'adoption de l'idée de sanctions par le G20 marquerait un changement de ton radical puisque les pays membres s'étaient contentés en novembre de souligner que les autorités nationales et régionales «devaient mettre en oeuvre des mesures» pour «protéger le système financier mondial des juridictions non coopératives». L'usage même de l'expression «paradis fiscal» avait été exclu.

La détermination nouvelle affichée par les chefs d'État européens laisse sceptiques certains commentateurs, comme le journaliste économique français Jean-François Couvrat.

S'ils souhaitent vraiment venir à bout de l'évasion fiscale, dit-il, les pays les plus riches devraient interdire que des établissements bancaires puissent être installés à la fois sur leur territoire national et dans un paradis fiscal. Ils devaient aussi obliger les paradis fiscaux à déclarer l'ouverture de tout compte appartenant à un non-résidant.

L'association ATTAC, qui milite depuis des années contre l'évasion fiscale, se montre aussi réservée.

Nicolas Sarkozy, souligne notamment l'organisation, n'a pas sourcillé l'automne dernier lorsque les élus de son parti ont recalé une proposition d'amendement des verts visant à obliger les institutions bancaires françaises à couper tout lien avec les paradis fiscaux.

L'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration à Washington fait cependant bouger les choses, estime Gérard Gourguechon, qui est membre du comité scientifique de la section française d'ATTAC.

«L'attitude de Barak Obama va pousser les pays européens à aller plus loin qu'ils ne pensaient aller initialement. L'importance de la crise - et des sommes versées aux banques alors qu'il n'y a presque rien pour la population - les oblige par ailleurs à se montrer plus volontaristes», dit-il.

UBS tremble

La nouvelle administration américaine vient de donner la mesure de sa détermination en matière d'évasion fiscale en mettant au pied du mur la banque suisse UBS, qui a accepté de révéler les noms de 250 clients américains soupçonnés d'évasion fiscale par crainte de se voir chasser du territoire américain.

La décision de la banque a l'effet d'un tremblement de terre en Suisse, où le secret bancaire est élevé au rang de vertu.

Dans un récent article, un chroniqueur du quotidien Le Temps reproche aux dirigeants d'UBS, sans chercher à faire de l'ironie, d'avoir manqué «d'éthique» en dévoilant les noms des clients et s'inquiète de l'impact de la décision sur le secteur bancaire du pays.

Au dire de M. Gourguechon, l'intervention envers UBS démontre que la lutte contre l'évasion fiscale est d'abord une question de volonté. Et que les pays membres du G20 peuvent, s'ils le veulent vraiment, mettre un terme à ces pratiques.

«Il suffit que les États-Unis haussent le ton pour mettre une banque par terre... Logiquement, ils devront appliquer ces exigences à d'autres banques suisses. Et ensuite à d'autres pays», souligne le militant, qui espère un «effet domino».

«Les autres établissements bancaires sentent bien que le boulet de canon n'est pas loin», dit-il.