Après les Etats-Unis et la France, Londres, capitale européenne de la finance, s'attaque à son tour aux bonus des banquiers, qui ont pendant trop longtemps incité à une «prise de risque excessive», a estimé dimanche le ministre des Finances Alistair Darling.

«Par le passé, un bonus était quelque chose de spécial, que vous receviez pour avoir travaillé dur. Mais au cours des années, de nombreux banquiers en sont venus à considérer des primes très importantes comme un acquis. Cela ne peut tout simplement pas durer», a déclaré le Chancelier de l'Echiquier, dimanche, sur la télévision BBC One.Le trésorier en chef du pays a annoncé le lancement d'une «enquête indépendante qui examinera la manière dont les banques sont gérées», a-t-il précisé dans une tribune publiée dans le Sunday Telegraph. Des recommandations seront faites sur «l'efficacité de la gestion des risques par la direction des banques et notamment l'impact de la rémunération sur la prise de risques», a-t-il expliqué.

Cette annonce intervient au moment où, selon ce même journal dominical, la banque RBS se prépare à annoncer le versement de primes pour un milliard de livres (1,8 milliard de dollars canadiens). La Royal Bank of Scotland est détenue à 68% par l'Etat après l'injection dans ses comptes de 20 milliards de livres de fonds publics.

Une porte-parole de l'institut n'a pas voulu confirmer ce chiffre, précisant que le conseil d'administration «devait encore prendre une décision sur sa politique de rémunération pour l'année». RBS prévoit d'essuyer jusqu'à 28 milliards de livres de pertes au titre de son exercice 2008.

M. Darling a précisé sur la BBC «avoir parlé» au patron de RBS. «Et j'ai clairement fait comprendre, et il est d'accord, que quiconque associé avec ces pertes importantes ne devrait être autorisé à empocher d'importants bonus», a-t-il dit.

Les banques «doivent comprendre qu'elles ne seraient pas là sans les contribuables britanniques», a-t-il averti, en référence aux 37 milliards de livres que l'Etat a déboursés l'automne dernier pour recapitaliser les établissements financiers. Certains des plus grands noms de la City, comme RBS et Lloyds TSB/HBOS, ont ainsi été partiellement nationalisés.

Cette aide publique n'est pas sans «conditions», a souligné M. Darling, et parmi elles, figurent «des restrictions à ce que (les banques) peuvent ou ne peuvent pas payer à leur personnel», a-t-il asséné. M. Darling a rejeté l'interdiction pure et simple des primes mais dénoncé les «récompenses à la prise de risques excessive».

Les bonus des banquiers font l'objet d'un débat récurrent dans le monde. Le président français Nicolas Sarkozy s'en est pris le 5 février aux bonus accordés aux traders. Les banques françaises doivent prochainement soumettre aux autorités des engagements visant à encadrer ces rémunérations.

Le président américain Barack Obama a annoncé le plafonnement à 500 000 dollars de la rémunération annuelle des dirigeants des entreprises aidées par l'Etat.

A Londres, l'Association britannique des banquiers a «reconnu» les «préoccupations suscitées par les primes» et s'est déclarée disposée à «s'engager avec le gouvernement» dans la remise à plat du système.

«La fête est finie», a de son côté déclaré George Osborne, responsable des finances au sein de l'opposition conservatrice.