La Commission scolaire de Montréal (CSDM) négocie un contrat d'environ 100 millions de dollars avec un seul et unique fournisseur, sans avoir sollicité le marché pour obtenir des soumissions pour un bail à long terme. Il s'agit d'un contrat de location d'une durée de 20 ans pour loger les quelque 750 employés de son centre administratif.

Aux prises avec des moisissures à son centre administratif, situé au 3737, rue Sherbrooke Est, la commission scolaire doit reloger ses employés rapidement.

La CSDM a bien publié un appel d'offres public en mars 2017, mais c'était pour reloger ses employés à court terme. L'appel d'offres demandait des propositions pour une superficie locative de 180 000 pieds carrés pour un bail d'une durée de 2 à 6 ans, incluant les options de renouvellement. Elle a reçu deux réponses seulement, selon nos informations.

Or, le 8 novembre dernier, le conseil des commissaires a voté à huis clos une résolution pour donner le mandat à l'administration de négocier un bail à long terme, 20 ans, selon le journal Le Devoir, avec un propriétaire qu'elle n'a pas identifié publiquement.

Selon nos informations, c'est Cominar, l'un des deux propriétaires à avoir répondu à l'appel d'offres de location à court terme, qui a été retenu. Ce grand propriétaire détient le 5100, rue Sherbrooke Est, qui est le lieu convoité par la CSDM.

« [Concernant le] dossier avec la commission scolaire, je suis tenue à la confidentialité, mais je peux seulement vous affirmer que les négociations et discussions avancent très bien. Nous devrions être en mesure de pouvoir confirmer le tout très prochainement. » - Caroline Lacroix, porte-parole de Cominar, dans un courriel, qui était à l'extérieur du pays

Dans une réponse écrite reçue à La Presse passée 18 h 30, la CSDM confirme qu'elle n'est pas retournée en appel d'offres même si le terme de la location est passé de 2 à 20 ans. Elle n'y est pas obligée, soutient-elle, puisque la Loi sur les contrats des organismes publics ne couvre pas la location d'immeubles. 

Outre les deux offres reçues dans le cadre du premier appel d'offres (appelé « avis d'intérêt »), la CSDM dit avoir étudié une vingtaine de lieux additionnels. « Aucune de ces offres n'était jugée plus intéressantes » que les deux reçues antérieurement. La réponse de la CSDM ne précise pas si ces offres répondaient à une demande de location pour 2 ans ou pour 20 ans. 

La Commission indique s'être adjoint les services du courtier Terramont pour l'épauler dans ses négociations avec le ou les propriétaires. Celui-ci effectue aussi une vigie continue d'étude du marché. « La publication d'un deuxième avis d'appel d'intérêt n'a pas été jugée opportune », écrit-elle.

DES SOUMISSIONS 

Il y a un monde de différence entre demander des locaux pour 2 ans et pour 20 ans, selon un expert de l'immobilier qui préfère ne pas être nommé pour ne pas nuire à ses affaires. Si la CSDM était retournée en appel d'offres en demandant un local pour 20 ans, elle aurait pu obtenir plusieurs soumissions et faire jouer la concurrence, d'après notre source.

À la CSDM, on refuse de discuter publiquement du sujet avant qu'une lettre d'intention soit signée avec le propriétaire, de peur de nuire aux négociations, a expliqué la présidente Catherine Harel Bourdon, liée au Mouvement pour une école moderne et ouverte (MÉMO), au conseil des commissaires du 8 novembre. Le dossier a d'ailleurs été discuté à huis clos, au grand dam des commissaires indépendants.

Le 9 novembre, le commissaire indépendant du secteur Petite-Patrie-Rosemont-Ouest, Jean-François Gosselin, a écrit sur son compte Facebook : « Nous avons eu moins d'une heure pour échanger sur ce dossier et pourtant il s'agit d'un engagement pour la CSDM "sur une période de 20 ans, au coût de plusieurs dizaines de millions de dollars". Manque de transparence, non-diffusion de l'information, discussions qui se tiennent derrière des portes closes... ça devient notre routine habituelle et une immense source de frustration. »

Violaine Cousineau, commissaire indépendante du secteur Saint-Henri-Petite-Bourgogne-Pointe-Saint-Charles, présentera une résolution à la séance des commissaires de ce soir pour que soient rendues publiques des portions du document justifiant la résolution portant sur le mandat de négocier un bail avec un fournisseur privé.

Le ministère de l'Éducation et celui des Finances doivent donner leur aval au bail après l'étape de la lettre d'entente entre la CSDM et le propriétaire. Ils doivent aussi approuver le montage financier.

Pour financer en partie le déménagement de son centre administratif, la commission scolaire envisagerait de mettre en vente une douzaine de ses bâtiments « excédentaires », avance Le Devoir.

La liste des bâtiments ciblés est gardée secrète par la CSDM. « Il est tout à fait irresponsable pour la CSDM de songer à se départir d'un magnifique terrain dans le contexte où nos écoles débordent », écrit le commissaire indépendant de Rosemont, Jean-Denis Dufort, sur sa page Facebook.