Le reste du processus de vente de la Maison de Radio-Canada à Montréal aura lieu uniquement en anglais à la demande de Radio-Canada, a appris La Presse.

En avril, une lettre d'intention en anglais destinée aux acheteurs intéressés à la Maison de Radio-Canada contenait une clause obligeant ces acheteurs potentiels à continuer le processus exclusivement en anglais. Cette clause fait en sorte que toute offre, tout « contrat, document ou avis en découlant soit rédigé en langue anglaise ».

Radio-Canada explique avoir imposé l'anglais à compter de l'étape de la lettre d'intention, à la fin du mois d'avril, en raison de son choix de faire un appel d'offres international (ce choix a été effectué en février, au début du processus de vente). « Il est important de se rappeler que l'appel d'offres initial pour la vente des installations actuelles a été lancé à l'échelle internationale. »

En raison de la confidentialité du processus, Radio-Canada ne pouvait pas indiquer hier si la société d'État avait reçu des offres de l'international pour ses installations à Montréal.

« INSULTÉS »

Le processus de vente a été entamé officiellement en février dernier. Lors de la première étape pour déterminer les acheteurs potentiels, tous les documents étaient offerts en français et en anglais. Une douzaine d'acheteurs se sont manifestés. À la deuxième étape du processus, soit la lettre d'intention en avril, Radio-Canada a imposé comme condition pour continuer que le processus se déroule uniquement en anglais.

« Les parties aux présentes ont expressément demandé que cette lettre d'intention et tout contrat, document ou avis en découlant soit rédigé en langue anglaise », stipule-t-on dans la lettre d'intention rédigée par la firme Brookfield, qui agit pour le compte de Radio-Canada dans ce dossier. Brookfield n'a pas commenté le dossier, hier.

Robert Lemay, qui a participé au processus d'appel d'offres avec sa firme, Société immobilière Investek, s'est dit « insulté » par cette demande de communication exclusive en anglais. Il dit n'avoir jamais signé la lettre d'intention à la fin d'avril, et il ne participe donc plus au processus.

Robert Lemay, qui avait tenté sans succès de racheter la gare d'autocars de Montréal à l'îlot Voyageur en 2012, a aussi fait parvenir une lettre au directeur de Brookfield peu après. Il y dénonçait entre autres le renoncement au français exigé pour participer à la suite du processus.

« Il est entendu qu'étant au Québec et faisant affaire avec une compagnie paragouvernementale fédérale, il est inacceptable que l'ensemble des documents fournis ne soient pas dans les deux langues, soit anglais ou français », a écrit ce vieux routier de l'immobilier.

JOLY DÉNONCE LA SITUATION

Informé hier en fin de journée que le reste du processus de vente sera en anglais, le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly a réitéré que « toutes les communications de Radio-Canada doivent se faire dans les deux langues », selon son attaché de presse Pierre-Olivier Herbert.

Plus tôt hier, le débat entourant la vente de la Maison de Radio-Canada à Montréal s'est retrouvé à la Chambre des communes, après que La Presse a révélé que la lettre d'intention destinée aux acheteurs potentiels avait été rédigée seulement en anglais. Radio-Canada a alors expliqué qu'il s'agissait « d'une pratique courante pour ce type de transaction » et « qu'aucune demande pour une version française [n'avait] été soumise à CBC/Radio-Canada ». « Le cas échéant, nous l'aurions fournie avec diligence », a indiqué Radio-Canada lundi.

La ministre Mélanie Joly a déploré hier le fait que la lettre d'intention ait été produite uniquement en anglais.

Le NPD et le Bloc québécois ont aussi adressé des reproches à Radio-Canada. « On est à Montréal, il y a une dualité linguistique. Radio-Canada doit faire la promotion de cette dualité linguistique et là, on fait exactement le contraire », a dit Monique Pauzé, députée du Bloc québécois. « Voyons donc ! Ça [le document unilingue en anglais] dénote à quel point ils ont l'impression de mener leurs petites affaires, a indiqué le député néo-démocrate Pierre Nantel. Ils font leurs petites affaires entre eux. C'est un indice à quel point ces gens-là gèrent ce processus comme s'il s'agit de radiodiffusion, mais c'est un immeuble qui fait partie du paysage urbain de l'est de Montréal. »

En plus de vendre son terrain et sa tour actuelle à Montréal, Radio-Canada a mis en place un second processus, cette fois avec la firme Avison Young, pour trouver de nouveaux locaux. La société d'État précise que la documentation dans le cadre de ce second mandat « a été, dans son ensemble, produite en français et continuera de l'être jusqu'à la fin du processus ».