C'est rare qu'on voie des contribuables se réjouir d'une hausse de taxe. Mais il y a fort à parier que beaucoup de Britanniques - des jeunes surtout - approuveront la décision de leur gouvernement d'augmenter la ponction fiscale sur la spéculation immobilière.

Les acheteurs d'une deuxième maison au Royaume-Uni devront en effet payer, dès avril 2016, une taxe additionnelle de 3 % sur le prix d'achat, a annoncé le gouvernement mercredi dernier.

Le pays de Sa Majesté veut ainsi freiner les spéculateurs étrangers - les milliardaires chinois, russes et qataris notamment - qui achètent des propriétés pour les louer à gros prix par la suite. Par ce stratagème, ils ont contribué à faire exploser les prix de la brique et du mortier, à Londres en particulier.

1, BIENTÔT 2 MILLIONS POUR UN TROIS-PIÈCES

La valeur de l'immobilier au Royaume-Uni ne cesse de monter en flèche. Depuis 20 ans, l'augmentation dépasse largement celle des autres pays du G7.

Le prix « moyen » d'une propriété à Londres - soit du petit studio de 500 pieds carrés aux grands logements - frôle aujourd'hui les 500 000 livres sterling, soit 1 million de dollars canadiens. Cela représente une hausse de près de 40 % depuis le début 2013, selon la banque UBS.

À ce rythme, il faudra débourser le double, ou 1 million de livres (2 millions CAN), pour un trois-pièces au centre de Londres d'ici 2020, déplore l'agence Transparency International.

Pour un ménage typique de la classe moyenne, avec deux enfants, trouver un logis abordable dans la capitale est une mission quasi impossible.

Pour un logement de trois chambres à coucher, la facture s'élevait à 620 000 livres (1,25 million CAN) en moyenne le mois dernier, soit un bond de 9,5 % en un an, selon la firme Rightmove.

Or, UBS note que le salaire moyen des Britanniques était de 34 000 livres (68 000 $ CAN) en 2014, ce qui équivaut en termes réels (après inflation) à une baisse de 7 % de leur pouvoir d'achat depuis 2007.

Autrement dit, les capacités financières des acheteurs et des vendeurs ont pris des directions diamétralement opposées au fil des ans.

LES JEUNES EXCLUS DU MARCHÉ

Envolée des prix oblige, les jeunes du Royaume-Uni sont de plus en plus exclus de cette foire spéculative, confirme une étude de la firme PricewaterhouseCoopers.

Ainsi, dans ce pays qui se targue d'être une « nation de proprios », seuls 38 % des 20-39 ans étaient propriétaires de leur résidence en 2013. Et leur part va diminuer : dans 10 ans, ils ne seront plus que 26 %.

À l'inverse, la proportion de locataires dans cette classe d'âge va bondir d'ici 2025, passant de 45 à 59 %, soit presque deux jeunes sur trois. À l'autre bout du spectre, les trois quarts des Anglais de plus de 55 ans seront propriétaires dans 10 ans, soit la même proportion qu'aujourd'hui.

Pour la banque UBS, qui a concocté un indice sur les bulles immobilières dans plusieurs villes (voir graphique), le marché londonien est le plus surévalué au monde. Et celui-ci s'expose à une correction « substantielle ».

« Pour un travailleur bien formé du secteur des services, il lui faudra 14 ans, en moyenne, pour pouvoir acheter à Londres un logement de 60 mètres carrés [645 pieds carrés] », note UBS. Cela se compare à 11 ans à New York et 13 ans à Paris, deux marchés où il n'y a pourtant pas d'aubaines.

À en croire les médias locaux, les Londoniens ne parlent que de ça. Les propriétaires font mine de s'offusquer des sommets « a-ffo-lants » de l'immobilier et des difficultés de leurs enfants d'accéder au même statut. S'ils sont locataires, ils fulminent à l'idée de verser 50 %, voire 60 % de leur salaire à leur proprio.

Actuellement, l'acquéreur d'une maison de 125 000 livres ou plus paie une taxe de 2 % à l'État britannique. Jusqu'à 925 000 livres, la ponction passe à 5 %. Et pour une transaction au-dessus de ce seuil, le fisc prend 12 %.

La nouvelle taxe de 3 % s'ajoutera à l'ensemble de cette grille.

Le ministre des Finances, George Osborne, a fait ce commentaire en annonçant sa nouvelle mesure : « Franchement, les gens qui achètent une maison pour la louer ne doivent pas passer devant les familles qui n'ont pas les moyens d'en avoir une. »

Bien des jeunes à Londres, mais aussi ailleurs dans le monde, seront d'accord avec ça.

INFOGRAPHIE LA PRESSE