Projet Quinze 40: huit fois le Centre Eaton

Centre commercial de trois étages, parc aquatique intérieur, salle de spectacles, bureaux, hôtels et 8000 places de stationnement : le mégaprojet prévu par Carbonleo à l'angle des autoroutes 15 et 40, sera encore plus gros que celui du Dix30.

S'il se concrétise comme prévu, le controversé projet de 1,7 milliard de dollars représentera l'équivalent de huit Centres Eaton... combinés à une Place Ville-Marie.

Selon une présentation obtenue par La Presse Affaires, le complexe récréatif prévoit une superficie locative de 4 millions de pieds carrés, répartis sur d'anciens terrains industriels de 2,5 millions de pieds carrés de Ville Mont-Royal.

En comparaison, le Quartier Dix30 de Brossard compte 3 millions de pieds carrés de commerces et bureaux, étalés sur des terrains de 9 millions de pieds carrés.

« On a la possibilité de revitaliser un secteur entièrement désaffecté, constitué d'anciennes usines et de terrains de stationnements, a fait valoir en entrevue Claude Marcotte, associé et vice-président exécutif du promoteur Carbonleo. On insiste pour créer un milieu de vie dense et mixte, avec plusieurs usages. »

Le projet - officiellement appelé Royalmount -  prévoit 2,25 millions de pieds carrés de commerces. Cette superficie équivaut à presque huit fois celle du Centre Eaton (286 000 pieds carrés).

Carbonleo prévoit en outre 1,4 million de pieds carrés de bureaux, presque autant que ce que compte la Place Ville-Marie, le plus imposant gratte-ciel du centre-ville en terme de surface locative. Quelque 400 000 pieds carrés seront aussi consacrés à des hôtels, à des cinémas et à une salle de spectacles de 3000 places.

Inquiétudes et congestion

Depuis son annonce préliminaire il y a quelques mois, le projet de Carbonleo suscite de vives craintes quant à la congestion routière qu'il générera. Environ 360 000 véhicules circulent déjà chaque jour au croisement des autoroutes 15 et 40, où les embouteillages sont une réalité quotidienne.

Carbonleo a mandaté la firme d'ingénierie WSP Global (anciennement Genivar) pour mener des études d'impact dans le secteur. Le groupe affirme que le nouveau centre ajoutera « seulement » 20 000 véhicules par jour à la circulation locale. « Ça reste moins de 5% d'addition globale sur Décarie », a fait valoir Claude Marcotte.

Le promoteur estime que 25% à 28% des usagers viendront au centre Royalmount en transport en commun. Une passerelle sera érigée au-dessus de l'autoroute Décarie (15), entre le métro de la Savane et le centre commercial, en vue de faciliter l'accès.

Les voies de service des autoroutes devraient être élargies, tout comme l'avenue Royalmount, indique Claude Marcotte. Mais aucune nouvelle sortie d'autoroute n'est prévue. « Ce seront de petites interventions locales. »

Le centre commercial sera aux trois quarts « fermé », comme un centre traditionnel, tandis que 25% des commerces donneront sur la rue et sur une nouvelle place publique. Carbonleo souhaite en parallèle construire « le plus grand toit vert de Montréal ». Un petit ciné-parc, un atrium pour présenter des concerts et une série de restaurants seront aménagés sur ce toit, selon les plans actuels.

Grogne

Le projet soulève déjà la grogne de certains résidants de Ville-Mont-Royal, qui craignent de voir leur quiétude perturbée. Plusieurs commerçants du centre-ville et d'autres arrondissements appréhendent en outre de perdre des clients au profit de ce futur mégacentre commercial.

Les dirigeants de Carbonleo reconnaissent qu'une certaine forme de « cannibalisation » s'effectuera, surtout au détriment des centres commerciaux lavallois. Ils s'attendent toutefois à réaliser la moitié de leurs ventes de 700 millions grâce aux résidants des secteurs rapprochés de l'île de Montréal, dont plusieurs doivent aller à Brossard ou à Laval pour effectuer leurs emplettes.

Et qu'en est-il de la saturation du secteur du commerce de détail au Québec, où plusieurs chaînes ont fait faillite ces derniers mois ? Jean-François Breton, le fondateur de Carbonleo, ne semble pas s'en inquiéter. Il affirme à La Presse Affaires que plusieurs nouvelles bannières inédites au Québec prévoient s'implanter au Royalmount, même si aucune entente n'a encore été signée.

Détails à boucler

Plusieurs détails restent à ficeler avant que ce mégaprojet aille de l'avant. Un plan particulier d'urbanisme (PPU) devra être adopté à Mont-Royal pour autoriser le changement de zonage et de nombreuses dérogations. La Ville de Montréal, tout comme le ministère des Transports, devront aussi donner leur feu vert.

Carbonleo devra également signer une masse critique de baux pour cet immense bassin de nouveaux bureaux et locaux commerciaux, dans un marché montréalais où la concurrence est rude.

Il reste que Carbonleo et ses investisseurs - en particulier Andrew Lufty, le propriétaire du groupe Dynamite/Garage qui a déjà procédé à l'acquisition des terrains - semblent très sérieux dans leur démarche.  Ils espèrent obtenir toutes les approbations d'ici la fin de l'année, commencer à creuser à la fin de 2016 et terminer le projet en 2020 ou 2021.

Des discussions sont en cours avec plusieurs autres investisseurs potentiels en vue de former un syndicat de prêteurs, a confirmé Claude Marcotte. Des investisseurs institutionnels pourraient être de la partie, mais il a refusé de confirmer des noms.

Le campus Ericsson, qui sera bientôt libéré par l'entreprise de télécommunications, devrait par ailleurs être intégré au projet, mais la forme précise n'a pas été déterminée.

À terme, Carbonleo estime que 15 000 emplois permanents seront créés dans ce secteur de Ville Mont-Royal, aujourd'hui constitué en bonne partie d'usines désaffectées et de terrains de stationnements.

Les détails du projet seront annoncés à l'occasion d'une conférence de presse un peu plus tard ce mercredi matin.

Où est le projet ?

Le projet Royalmount - aussi connu sous le vocable « Quinze40 » est compris dans un quadrilatère composé de l'autoroute Métropolitaine (40), l'autoroute Côte-de-Liesse (520), l'autoroute Décarie (15), et l'avenue Royalmount.