Le marché immobilier du Vieux-Montréal connaît des jours difficiles: l'imposant projet Sax est «reporté indéfiniment», tandis qu'un autre immeuble de condos presque terminé - le Bank - se retrouve grevé d'hypothèques légales de plus de 2,4 millions de dollars.

Kevlar, promoteur du Sax, avait commencé en mai 2013 la mise en vente des 165 appartements de son complexe haut de gamme. Or, à peine 34 copropriétés ont trouvé preneur depuis, alors qu'il aurait fallu au moins 85 transactions pour obtenir un financement bancaire. Ce constat a amené le groupe et ses partenaires à écarter le projet au début de janvier.

«Vu qu'on n'avait pas atteint les ventes et qu'on n'avait pas de date pour le début des travaux, on a décidé de ne pas faire attendre le monde et de reporter, le temps que le marché se replace un peu», a expliqué René Bellerive, président de Kevlar, en entrevue à La Presse Affaires.

Le promoteur blâme le ralentissement général du marché de la copropriété ainsi que la concurrence féroce du quartier Griffintown pour expliquer les déboires du Sax. «Le Vieux-Montréal en général a perdu un peu de vitesse, mais je pense que c'est temporaire.»

Kevlar demandait 179 000$ pour un studio dans le Sax et 629 000$ pour un appartement de trois chambres, avant les taxes et le stationnement (45 000$). L'immeuble de 10 étages devait s'élever à l'angle des rues des Soeurs-Grises et Wellington, à la lisière de la Cité du multimédia.

René Bellerive fait valoir que le projet n'est pas mort, même si aucune date n'a été fixée pour une relance éventuelle. Tous les acheteurs ont été avisés et ont pu récupérer leur dépôt, a-t-il affirmé.

Brouhaha au Bank

À quelques coins de rue du Sax, le projet Bank est pour sa part presque terminé. Le promoteur Pur Immobilia a érigé un immeuble luxueux de 14 étages rue Saint-Jacques en combinant une ancienne banque et un squelette de béton abandonné.

Les 43 appartements du Bank sont vendus, affirme Philippe Bernard, président de Pur Immobila. Or, un «litige» avec l'entrepreneur général du projet laisse planer d'importants nuages noirs.

Les Constructions Devlor et une série de sous-traitants ont contracté depuis la mi- décembre des hypothèques légales de plus de 2,4 millions de dollars contre Bank. Un retard de 14 mois dans les travaux et une série d'extras facturés en fin de parcours seraient au coeur de la dispute, soutient M. Bernard. «C'est un litige entre la somme qu'ils prétendent qu'on leur doit et la somme que nous, on prétend leur devoir.»

Ces importantes hypothèques légales empêchent le promoteur de finaliser la vente des 11 derniers appartements chez le notaire, ce qui lui cause une importante pression financière. Qui plus est, les copropriétaires actuels sont tenus conjointement responsables et pourraient être appelés à payer des milliers de dollars aux créanciers de Bank dans le pire des scénarios.

Philippe Bernard juge «malheureux» les tourments causés aux copropriétaires. «Notre objectif est de régler à l'amiable et on met toutes les énergies possibles pour que le résultat soit ça. Dans le cas d'un règlement à l'amiable, les hypothèques légales seront radiées et, ultimement, aucun copropriétaire ne va subir de préjudice de ça.»

«Pas en déroute»

Le promoteur maintient que le projet - réalisé conjointement avec David Lavoie, de Cube Architecture, et Stéphane Brault, de BASE société immobilière - n'est «pas du tout du tout en déroute» financière.

La Société en commandite Condominiums Bank a néanmoins déposé le 12 janvier dernier un avis d'intention de faire une proposition à ses créanciers, en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. L'avis préparé par le syndic Raymond Chabot inc. évalue à 8,3 millions les créances du groupe.

«Cette manoeuvre est suite à l'hypothèque légale de 2,4 millions. C'est une façon d'être en mesure de négocier avec Devlor», a affirmé Philippe Bernard.

Le président de Constructions Devlor n'avait pas rappelé La Presse Affaires au moment de mettre sous presse hier.