Les condos à Montréal ont-ils pris ou perdu de la valeur cette année? À cette question toute simple, les experts ont pourtant trois réponses différentes: le Mouvement Desjardins conclut à une baisse des prix, l'Association canadienne de l'immeuble, à une hausse et la Chambre immobilière du Grand Montréal, à une stagnation des prix. Une controverse statistique qui incitera peut-être la Chambre immobilière à réviser ses pratiques.

En se basant sur le prix moyen des ventes, le Mouvement Desjardins annonce une baisse de 0,45%. En se fondant sur son indice de référence, l'Association canadienne de l'immeuble calcule une hausse de 1,6%. La Chambre immobilière du Grand Montréal conclut plutôt à un prix médian qui stagne (0%) à 225 000$ pour un condo à Montréal.

«Notre interprétation, c'est que le prix des condos à Montréal est relativement stable depuis le début de l'année. Je ne suis pas prêt à dire qu'il y a eu une baisse», dit Paul Cardinal, directeur de l'analyse du marché à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ).

Au Québec, les chambres immobilières utilisent le prix médian pour faire leurs analystes. À Toronto, la Chambre immobilière publie chaque mois les trois unités de mesure: prix moyen, prix médian et prix de l'indice de référence d'un condo type (qui ne change pas de mois en mois au gré des transactions).

«Le prix moyen se rapporte davantage à l'ensemble de l'activité immobilière, le prix médian permet d'aplanir les écarts de prix, et l'indice de référence permet de comparer des pommes avec des pommes sur une période donnée, dit Jason Mercer, gestionnaire senior de l'analyse de marché à la Chambre immobilière du Grand Toronto. À long terme, les trois unités de mesure démontrent généralement les mêmes tendances.»

Préférence à l'indice de référence

Mais en 2013, les trois unités de mesure (médiane, moyenne et indice de référence) donnent chacune un avis contraire sur le marché du condo à Montréal. La question est donc inévitable: laquelle est la plus représentative de la valeur d'une propriété? Même si elle n'utilise que le prix médian, la Fédération des chambres immobilières du Québec reconnaît la supériorité de l'indice de référence, mis au point en 2012 et déjà utilisé comme la principale unité de mesure à Vancouver.

«L'indice de référence est une meilleure mesure sur le plan statistique. Il prend toutes les transactions et adapte le prix avec une formule pour refléter un condo modèle», dit Paul Cardinal, de la FCIQ.

«Un indice de prix n'est pas influencé par le fait que les gens achètent de plus grandes ou de plus petites propriétés durant une période donnée», souligne Marc Pinsonneault, économiste à la Banque Nationale, qui est responsable de l'indice immobilier Teranet.

Si la FCIQ tarde à adopter l'indice de référence, c'est que cette donnée est pour l'instant seulement disponible dans la région de Montréal. La controverse statistique actuelle pourrait toutefois inciter la FCIQ et la Chambre immobilière du Grand Montréal (qui l'ajoute déjà à la fin de ses communiqués) à l'adopter plus rapidement. «L'indice de référence reflète peut-être plus la réalité actuellement [dans le marché des condos à Montréal]", dit Paul Cardinal.

La FCIQ est passée du prix moyen au prix médian en 2008. «Le prix médian n'est pas aussi sujet aux variations causées par des transactions avec des prix extrêmes», mentionne Paul Cardinal.

Le Mouvement Desjardins fonctionne toujours avec le prix moyen, notamment parce qu'il s'agit de la seule unité de comparaison à l'international.

Pas de décimales au Québec

Une autre pratique qui semble unique au Québec en matière de statistiques immobilières: arrondir les variations au point de pourcentage (ex.: 1%), et non à la décimale (ex.: 1,4%) comme c'est le cas à Toronto, à Vancouver et à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

«Je préfère des chiffres plus précis avec une décimale, surtout quand l'échantillon est assez grand», dit Robert Clark, professeur à HEC Montréal.

«Nous avons toujours une décimale parce qu'il faut un certain degré de précision pour voir s'il y a une hausse ou une baisse de prix», renchérit Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins.