Partout au Québec, la valeur des maisons situées près des voies ferrées risque de diminuer dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic, du moins à court terme.

«Le marché va réagir, et pas seulement à Lac-Mégantic. Ailleurs aussi, les gens vont se poser la question. Les acheteurs vont être plus hésitants à déménager près d'un chemin de fer», affirme Ünsal Özdilek, professeur spécialisé en évaluation immobilière à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.

«L'évaluateur lit le marché et il ne faut pas se cacher qu'à très court terme, avec une tragédie aussi importante, ça serait quand même étonnant qu'il n'y ait aucun impact», corrobore Richard Côté, président de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec.

Effet temporaire

Les experts s'entendent toutefois pour dire que l'effet est le plus souvent temporaire.

«Ce que l'on observe en général dans la littérature sur les impacts reliés aux catastrophes, c'est que ces événements qui ne se produisent que rarement affectent les prix à la baisse à court terme, mais que l'impact diminue progressivement avec le temps et disparaît totalement après une période qui varie entre deux et quatre ans», écrit dans un courriel François Des Rosiers, professeur à l'Université Laval.

Diane Ménard, vice-présidente de la Chambre immobilière du Grand Montréal, n'est toutefois pas prête à prédire que les prix vont baisser. Elle fait remarquer que la valeur moyenne des maisons unifamiliales situées à Saint-Jean-sur-Richelieu a continué de progresser après les graves inondations de 2011.

Inquiétudes

Il reste que les courtiers immobiliers et les vendeurs de maisons neuves devront se préparer à répondre aux questions sur le sujet.

«Personne ne m'en a parlé jusqu'à maintenant, dit Alex Roy-Maurice, directeur des ventes pour District Atwater. Mais c'est sûr que ça va devenir une source d'interrogations pour les clients à cause de l'ampleur de ce qui s'est passé. Les gens vont voir un train passer à Saint-Henri et se demander: "Est-ce que je suis en sécurité?" C'est inévitable.»

Maurice Gareau, vice-président chez le promoteur Samcon, tient à relativiser le risque. «Il y des millions de trains qui circulent sur la planète et il n'y a rien qui arrive, alors il ne faut quand même pas penser qu'il n'y a plus rien qui peut se construire aux abords d'une voie ferrée.»

Au cours des dernières années, en raison notamment de la rareté grandissante des terrains, de plus en plus d'immeubles d'appartements en copropriété ont été construits près de chemins de fer, à Montréal comme en banlieue.

Dans une étude récente réalisée dans l'île de Montréal, Ünsal Özdilek a comparé la valeur de 1000 résidences situées à proximité d'une voie ferrée avec la valeur de 1000 autres propriétés situées dans les mêmes quartiers, mais plus loin des rails. Il a constaté un écart de prix défavorable d'environ 8%.

Erin McGarr, courtière immobilière à Saint-Lambert, confirme la différence de prix, mais ne peut pas l'établir avec précision. «Plusieurs acheteurs apprécient qu'une maison soit à distance de marche d'une gare de train de banlieue, mais quand la propriété donne directement sur les voies, c'est une autre affaire», note-t-elle.

Son collègue Alexandre Molinier, du Groupe Sutton, rappelle que le bruit des voies ferrées fait partie des facteurs qui déplaisent le plus aux acheteurs.

Ce qui influe sur la valeur d'une maison

POUR UNE MAISON DE 300 000$, VOICI L'IMPACT APPROXIMATIF MOYEN DES ÉLÉMENTS SUIVANTS:

À MOINS DE 50 MÈTRES D'UNE VOIE FERRÉE -25 000$

À MOINS DE 50 MÈTRES D'UNE AUTOROUTE -15 000$

À MOINS DE 100 MÈTRES D'UNE INDUSTRIE LOURDE - 13 000$

À MOINS DE 50 MÈTRES D'UNE STATION DE MÉTRO +7900$

ENTRE 150 ET 300 MÈTRES D'UNE STATION DE MÉTRO +34 000$

À MOINS D'UN KILOMÈTRE DU CENTRE-VILLE +27 000$

Source : Ünsal Özdilek, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale, École des sciences de la gestion de l'UQAM. Les calculs ont été effectués à partir d'une base de données comprenant les prix de vente de 40 000 propriétés résidentielles dans l'île de Montréal entre 2010 et 2012.