Des mensualités hypothécaires plus élevées, des propriétés moins abordables: les récentes hausses de taux d'intérêt auront un impact bien concret sur le marché résidentiel de la région de Montréal, qui tourne déjà au ralenti en 2013.

La tendance haussière des taux obligataires a connu un coup d'accélérateur le 19 juin quand la Réserve fédérale américaine (Fed) a indiqué qu'elle entendait ralentir dès l'automne le rythme de ses achats d'obligations du Trésor et de créances adossées à des actifs hypothécaires, si l'économie et le marché du travail continuent de prendre du mieux.

Cette déclaration a fait bondir les taux obligataires de 10 ans d'environ 30 points aux États-Unis et de 25 points au Canada. Ceux-ci pointaient déjà vers le haut depuis la fin du mois d'avril.

«Les banques ont commencé à réagir les 20 et 21 juin sur les taux fixes de trois ans et plus», dit Denis Dubé, directeur régional Laval Rive-Nord, chez le courtier hypothécaire Multi-Prêts Hypothèques. Pour le terme de cinq ans, le taux a grimpé de plus de 50 points de base avec la hausse de vendredi dernier.

La Banque Royale a en effet rehaussé ses taux de 10 à 30 points de base vendredi. Le taux réduit cinq ans se situe maintenant à 3,69%. Avant le 19 juin, le meilleur taux offert tournait autour de 2,89%, selon le courtier Multi-Prêts hypothèques.

Pression baissière sur les prix

Pour une hypothèque de 200 000$, une augmentation de 50 points de base du taux d'intérêt se traduit par une mensualité plus élevée de 50$. Dans le cas d'un immeuble à revenus de six logements, par exemple, avec une hypothèque de 400 000$, le paiement hypothécaire augmente de 110$ par mois.

À loyer constant, c'est la rentabilité de l'immeuble qui en souffre d'autant, souligne Brad Weigensberg, spécialiste hypothécaire chez BMO.

Le prix maximum d'une maison ou d'un condo que peut s'offrir un acheteur potentiel vient de reculer de 12 000$ avec les plus récentes hausses de taux hypothécaires, estime M. Weigensberg, en utilisant les barèmes des prêteurs hypothécaires.

Cette réalité mathématique viendra peser sur le prix exigé par les vendeurs de propriétés existantes. «Les vendeurs de maisons doivent devenir plus réalistes», souligne Mary Lamey, courtière immobilière pour Century 21 Vision, qui se spécialise dans les secteurs du Plateau Mont-Royal et du Sud-Ouest.

Selon Mme Lamey, le mois du juin a été plus actif qu'anticipé, contrastant avec le début de l'année plus tranquille où les transactions se sont faites plus rares et où les délais de vente se sont allongés. La courtière croit que la hausse des taux explique ce regain d'activité en ce début d'été.

Selon les statistiques de la Chambre immobilière du grand Montréal, le nombre de reventes dans la région montréalaise au cours des cinq premiers mois de l'année affiche un recul de 17%, par rapport à la même période l'an dernier. Les prix se maintiennent ou s'apprécient légèrement. Les statistiques de juin sortiront dans les prochains jours.

Est-ce que la hausse des taux d'intérêt va se poursuivre?

Pour Carlos Leitao, économiste en chef et stratège chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, on subit ces jours-ci le gros de la hausse des taux obligataires. Pour la seconde moitié de 2013, il s'attend à une accalmie de ce côté. Selon lui, les taux devraient rester sensiblement au même niveau jusqu'au début de 2014.

«D'ici deux ou trois ans, quand on va regarder tout ça, on va arriver à la conclusion que le plancher a été atteint en mars ou avril 2013», dit-il.

À partir de janvier 2014, il prévoit néanmoins une nouvelle hausse de 100 points de base. La montée des taux obligataires et, par ricochet, celle des taux hypothécaires de long terme, viendra ralentir l'activité immobilière au printemps prochain, prévient M. Leitao. Les mises en chantier continueront ainsi de reculer en 2014, pour une deuxième année de suite.

Du côté de la revente, les transactions se stabiliseront en 2014, après avoir reculé en 2013, du moins en sol canadien, selon M. Leitao. Il se dit attentif à l'allongement du délai de vente des propriétés résidentielles.

Par ailleurs, l'économiste ne serait pas surpris que la banque centrale laisse inchangé son taux directeur jusqu'à la fin de 2014 étant donné que les taux à long terme augmentent de façon naturelle.

Si ce scénario se matérialise, les emprunteurs seront tentés de choisir un prêt hypothécaire à taux variable pour éviter la perte de leur pouvoir d'achat. «On revivrait la situation de 2011, quand 65% de mes clients optaient pour un prêt à taux variable», fait remarquer le spécialiste hypothécaire Brad Weigensberg. Encore faudrait-il que ces emprunteurs puissent se qualifier puisque le ministre des Finances, Jim Flaherty, a resserré les règles à ce chapitre depuis ce temps.

Taux de cinq ans offert sur le marché

Avant le 19 juin: 2,89%

Aujourd'hui: 3,39% à 3,69%

Impacts de la hausse des taux de 50 points

Mensualité plus élevée de 50$ (hypothèque de 200 000$)