La perspective d'une élection du Parti québécois (PQ) soulève des inquiétudes dans le marché de l'immobilier haut de gamme, au point où plusieurs acheteurs ont repoussé leur décision après le scrutin du 4 septembre.

«Les gens attendent avant de boucler les grosses transactions: ils ont l'impression que si le PQ entre au pouvoir, les prix vont baisser de beaucoup par rapport à maintenant», a affirmé à La Presse Affaires l'une des courtières les plus actives à Montréal, qui a requis l'anonymat.

La professionnelle de Westmount indique avoir «plus de 10 clients» sur le point de conclure une transaction de plusieurs millions, qui ont choisi d'attendre après le 4 septembre. Certains acheteurs ont même déposé des offres conditionnelles à la non-élection d'un gouvernement péquiste majoritaire, soutient-elle.

Les acheteurs inquiets, des Montréalais comme des étrangers, convoitent des propriétés à Westmount, à Mont-Royal, à Hampstead et au centre-ville, précise la courtière. «Tous les prêteurs se montrent compréhensifs, car ils savent que rien ne se conclura avant les élections pour les très grosses propriétés.»

Nuances

Marie-Yvonne Paint, courtière de Royal LePage à Westmount spécialisée dans les propriétés de luxe, dit elle aussi remarquer un certain attentisme des acheteurs en vue du scrutin. Mais «rien de majeur» ni de différent des élections précédentes, ajoute-t-elle.

«Il y a des gens qui s'en fichent complètement, d'autres sont plus compliqués et disent: je vais attendre les élections, indique Mme Paint. C'est vrai qu'il y a une petite attente, il y a un petit recul, mais je ne sais pas si c'est exclusivement dû aux élections, ou à ce qui se passe mondialement.»

La crise européenne contribue à la prudence accrue de certains clients, estime la courtière. «Beaucoup de gens ont peur à leur portefeuille boursier, avec la Bourse qui chute. C'est surtout les gens d'affaires qui sont plus en attente que les autres.»

Marie-Yvonne Paint dit n'avoir reçu aucune offre conditionnelle à la non-élection du PQ.

Andy Dodge, président de la firme d'évaluation Andy Dodge&Associates de Westmount, dit lui aussi remarquer une «situation d'attente» depuis quelque temps dans cette riche enclave montréalaise. Il s'attend à une «petite baisse» du marché si le PQ est élu, mais rien de comparable à la première élection du parti en 1976, ni à la période qui a précédé le référendum de 1995 sur la souveraineté.

«Je pense que ceux qui voulaient déménager l'ont déjà fait», dit M. Dodge, en affaires depuis 40 ans à Westmount.

Pour sa part, Unsal Ozdilek, professeur à l'École des sciences de la gestion (ESG UQAM) et chercheur à la chaire Ivanhoé Cambridge d'immobilier, juge que les acheteurs qui repoussent leur décision après le 4 septembre constituent des «cas isolés».

«Même dans ces quartiers qu'on définit comme étant les plus frileux, c'est là où les prix sont les plus élevés et là où il y a le moins de ventes, car les gens veulent rester là», dit l'expert.

M. Ozdilek estime que les facteurs économiques externes - autres que l'élection du PQ ou un référendum - ont un effet bien supérieur sur la tenue du marché immobilier québécois. «L'effet de référendum sur les prix immobiliers, scientifiquement, on ne peut pas le démontrer», fait-il valoir.

Ventes et prix en hausse

Élections ou pas, le marché haut de gamme demeure vigoureux dans les enclaves les plus chic de la métropole depuis le début de 2012, confirment les données fournies par la chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM).

À Mont-Royal, le prix médian a progressé de 7% par rapport aux sept premiers mois de 2011, à 910 000$, malgré des ventes en repli de 10%. À Outremont, il s'est réalisé 2 transactions de plus que l'an dernier - 152 - , et le prix médian a bondi de 13%, à 1,22 million.

Enfin, à Westmount, le nombre de transactions - 98 - a baissé de 6%, mais les prix sont en forte hausse. La valeur médiane d'une unifamiliale a bondi de 13% sur un an, à 1,36 million, indique la CIGM.

Le nombre de transactions a même augmenté entre juin et juillet à Westmount, souligne Andy Dodge dans son analyse. Il suspecte les «chasseurs d'aubaines» de vouloir profiter de l'incertitude pré-électorale pour s'installer dans le quartier.

Données pour les sept premiers mois de 2012

Ventes de maisons : 98 (-6%)

Prix médian : 1 357 500$ ("13%)

Source : CIGM. Variation des prix par rapport aux sept premiers mois de 2011