Les propriétés se vendent moins vite qu'il y a un an dans le Plateau Mont-Royal, une perte de vitesse que des courtiers attribuent en partie aux politiques de déneigement et de circulation automobile adoptées par l'arrondissement.

«Je l'entends dans les commentaires, et je l'entends aussi chez les nouveaux acheteurs, indique Danielle Landry, courtière chez Re-Max du Cartier. Avant, ils voulaient seulement acheter dans le Plateau, et maintenant, ils regardent d'autres secteurs, car ils n'entendent que du négatif.»

Suzanne Proulx, courtière depuis 1988, dit elle aussi observer un ralentissement au profit des quartiers voisins de Rosemont et Villeray. «On dirait que les gens se lancent moins pour acheter chez nous, ils regardent plus d'autres quartiers qui sont peut-être plus accueillants.»

Le maire d'arrondissement Luc Ferrandez s'est attiré de nombreuses critiques - et certains éloges- depuis qu'il a renversé le sens unique de plusieurs rues du Plateau en mai 2011 afin de réduire la circulation. Le politicien a aussi suscité l'ire des citoyens et commerçants en réduisant la cadence du déneigement l'hiver dernier.

Impossible de dire si ces mesures sont directement responsables de la baisse de cadence observée dans le marché immobilier du Plateau. Mais, chose certaine, les statistiques sont révélatrices.

En février 2011, les condos - le type d'habitation le plus populaire à Montréal - mettaient en moyenne 46 jours à se vendre dans le Plateau Mont-Royal. Un an plus tard, soit le mois dernier, ce délai avait presque triplé pour atteindre 132 jours, révèlent les données fournies par la Fédération des chambres immobilières du Québec.

À titre comparatif, le délai de vente moyen des appartements en copropriété est passé de 73 à 93 jours en février dans l'île de Montréal, tandis qu'il a baissé de 58 à 55 jours dans Villeray-Rosemont.

«Ce que j'ai dans Villeray, ça se vend, je ne peux même pas vous dire à quelle vitesse, affirme Suzanne Proulx. J'ai des choses dans le Plateau qui sont selon moi supérieures en qualité, qui ne se vendent pas aussi vite. C'est quand même curieux, et c'est récent.»

Michel Pelletier, courtier à l'agence immobilière Jutras, remarque lui aussi une certaine baisse de régime dans le Plateau. Comme ses collègues, il refuse de l'attribuer entièrement aux politiques du maire Ferrandez, même s'il juge celles-ci de façon négative.

«Les choix de Ferrandez, c'est sûr que ça a écoeuré le peuple un peu, lance-t-il. Quand on était en visite libre et que Monsieur décidait qu'il ne déneigeait plus la fin de semaine, c'est sûr que ça ne nous aidait pas.»

Une baisse bienvenue, dit Ferrandez

Si les transactions mettent plus de temps à se réaliser, il y en a tout de même plus que l'an dernier dans le Plateau. Quelque 186 propriétés ont changé de main pendant les deux premiers mois de 2012, contre 145 pendant la même période l'an dernier.

Le prix médian des condos vendus le mois dernier était de 298 142 $, contre 320 600 $ en février 2011. La valeur de revente médiane de janvier 2012 a quant à elle atteint 353 500 $, comparativement à 300 000 $ un an plus tôt.

Le marché, même s'il est plus lent, semble donc se maintenir. Mais Luc Ferrandez serait bien content de voir les prix diminuer dans le Plateau. Et tant mieux si ses mesures touchant la circulation et le déneigement aident à les faire reculer, a-t-il dit à La Presse Affaires.

«Si ça peut avoir un effet sur la valeur, c'est tant mieux, parce que c'est devenu indécent, avance M. Ferrandez. Un duplex transformé en condos, c'est 1 million, 1,25 million. Il est vraiment temps que ça diminue. Ça a modifié complètement l'esprit du quartier, le type d'occupants.»

Pont Champlain

Serge Brousseau, président et propriétaire de la bannière RE/MAX du Cartier, qui emploie 250 courtiers, ne croit pas que les mesures de l'administration Ferrandez ont pour le moment un impact «incroyable» sur la revente. Mais il estime que les choses «doivent changer» à l'arrondissement.

«À force d'en parler, naturellement, ça peut créer un handicap pour ce secteur-là, dit-il. Je peux faire la comparaison avec ce qu'on dit sur le pont Champlain. Il y a peut-être moins de gens qui veulent aller vivre sur la Rive-Sud, car ils se disent: s'il y a un problème là, on va faire quoi?»

Enfin, certains courtiers disent n'observer aucun effet négatif des mesures récentes de l'administration Ferrandez sur le marché immobilier.

«Si des gens se désintéressent, c'est que les prix sont plus chers dans la Plateau qu'à Rosemont ou Villeray, par exemple», tranche Nathalie Clément, directrice de Via Capitale du Mont-Royal.