Un courtier immobilier montréalais vient d'être radié à vie pour avoir vendu 10 maisons ayant servi à la culture de cannabis, sans en aviser les acheteurs. Duc Quang Nguyen a aussi utilisé un «stratagème frauduleux» afin de protéger ses deux fils, propriétaires de certaines des résidences.

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Les faits reprochés à M. Nguyen se sont produits en l'espace d'à peine 18 mois, tout juste après l'obtention de son permis d'exercice en 2005. Dans une décision au ton très sévère, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) estime que l'homme est devenu courtier «dans l'unique but» de commettre ces actes illégaux.

Duc Quang Nguyen s'est déclaré coupable aux deux chefs d'accusations portés contre lui, si bien qu'il n'a pas eu à témoigner devant le tribunal administratif de l'OACIQ. Le syndic de l'organisme a accumulé une solide preuve contre l'ex-courtier et estime que ses explications auraient de toute façon été «incroyables» s'il avait plaidé non coupable.

«Il a démontré en toute occasion une mauvaise foi évidente et on peut dire sans l'ombre d'un doute qu'il n'avait pas, et qu'il n'a toujours pas, les qualités de base pour pratiquer la profession de courtier immobilier, la première étant l'honnêteté», indique l'OACIQ dans sa décision.

Tromperie

Les infractions se sont produites entre janvier 2005 et août 2006, dans les banlieues montréalaises de Repentigny, Laval et L'Assomption. En gros, l'OACIQ reproche à Duc Quang Nguyen d'avoir agi comme courtier dans la vente de 10 maisons où du pot avait été cultivé, sans en aviser les nouveaux acheteurs.

Or, les courtiers sont tenus par la Loi de révéler cette information, puisque la culture de marijuana peut causer des dommages sérieux aux résidences, notamment des moisissures et un affaiblissement de la structure. Dans sa décision, l'OACIQ démontre que M. Nguyen était «fort probablement» au courant de ces pratiques illégales.

Dans quatre cas, les deux fils de l'ex-courtier ou sa femme étaient les propriétaires des maisons, indique l'OACIQ. «Les mandats de perquisition, exécutés dans au moins trois de celles-ci, ont permis aux autorités policières de saisir plusieurs plants de cannabis, écrit-on. Chaque fois, aucun résidant ni locataire n'était sur les lieux et les propriétaires ont été incapables d'expliquer pourquoi.»

Dans le cas des six autres maisons, Duc Quang Nguyen a agi comme agent inscripteur ou courtier. Plusieurs des propriétés ont été mises en vente dans les semaines qui ont précédé ou suivi une saisie policière de marijuana, si bien «qu'on ne peut croire que le défendeur dit la vérité lorsqu'il a répondu (à l'OACIQ) qu'il n'était pas au courant de ce fait», souligne la décision.

Le risque que M. Nguyen répète de telles actions illicites est si grand que l'OACIQ révoque sa licence de façon permanente. Il s'agit d'une mesure exceptionnelle que l'organisme utilise seulement quelques fois par année, à la suite d'accrocs particulièrement graves au code de déontologie des courtiers.

Comme M. Nguyen n'est plus titulaire d'un permis d'exercice depuis décembre 2010, cette condamnation signifie qu'il ne pourra jamais en obtenir un nouveau. Au moment des gestes dont il s'est avoué coupable, il agissait comme courtier pour la bannière Groupe Sutton Accès, à Rosemont.

Un patron surpris

Jean-Luc Dionne, directeur de l'agence depuis 15 ans, a indiqué que M. Nguyen ne travaillait plus pour lui depuis «trois ou quatre ans». Il affirme ne jamais avoir été mis au fait des activités illicites de son ex-employé avant son départ.

«J'ai fini par m'en douter une fois qu'il était parti, a-t-il dit. Il en a vendu une comme ça, où les gens qui sont rentrés là se sont aperçus, en parlant à des voisins, que du pot avait été cultivé dans la maison.»

M. Dionne affirme avoir perdu confiance envers M. Nguyen après lui avoir fait une avance sur une vente qui ne s'est jamais matérialisée. Il se dit néanmoins très surpris de l'ampleur des accusations portées contre l'ex-courtier par l'OACIQ. «Je ne m'en serais pas douté, mais pas du tout.»