Francesca Asante-Frempong croit qu'il aura valu la peine d'attendre d'avoir 35 ans avant d'acheter sa première résidence, si les économistes ont raison d'affirmer que la concurrence diminuera en 2012 et que les taux hypothécaires demeureront à leurs faibles niveaux actuels.

«Il est encourageant de savoir que c'est le bon moment, à partir de maintenant, pour acheter quelque chose qu'on peut se permettre», a indiqué la jeune mariée lors d'un entretien depuis le Royaume-Uni, où vit son mari d'ici à ce que le couple se déniche un logement au Canada.

Infirmière à Toronto, Mme Asante-Frempong se dit optimiste de pouvoir prendre son temps pour trouver une première propriété à un prix abordable dans la métropole canadienne, l'un des marchés immobiliers les plus chauds et dispendieux au pays.

Et la probabilité que les taux hypothécaires demeurent peu élevés l'an prochain signifie qu'elle n'a pas à se précipiter hors de la maison de ses parents pour se lancer dans une guerre des offres, ajoute-t-elle.

«Bien que je n'aie pas investi dans un appartement en copropriété il y a quatre ans, je dirais qu'au moins, je suis prête à emménager directement dans une maison, ce que mes amis (qui ont acheté un logement en copropriété) ne sont peut-être pas capables de faire en ce moment.»

Les premiers acheteurs comme Mme Asante-Frempong sont destinés à constituer une plus grande proportion des acteurs du marché immobilier en 2012. Les ventes et les prix devraient se stabiliser, alors que diminuera la demande de propriétaires souhaitant vendre pour acheter quelque chose de plus spacieux pendant que les taux demeurent faibles, après plus de deux ans de taux alléchants.

La faiblesse des taux du financement à un jour de la Banque du Canada - bloqués à 1% depuis septembre 2010 - affecte divers taux hypothécaires et d'autres prêts liés aux taux préférentiels des banques. Entre-temps, la crise de la dette gouvernementale en Europe et aux États-Unis maintient les prêts hypothécaires à taux fixes à des niveaux extrêmement peu élevés en faisant chuter les obligations sur lesquelles ils reposent.

Ralentissement reporté d'un an

Les taux hypothécaires devaient en principe augmenter en 2011, ce qui aurait eu pour effet d'accroître les coûts de la propriété et de contrôler les prix des habitations. Cela devait se traduire par un ralentissement du marché de l'habitation, selon les prédictions faites à la fin de 2010 par plusieurs économistes de renom.

Ils avaient tort. Ils croient maintenant que cela va se produire en 2012.

Le ralentissement économique qui se pointe à l'horizon, la faible croissance des salaires, les prix inaccessibles des logements et le niveau d'endettement sans précédent des consommateurs pourraient exercer une pression vers le bas sur le marché l'année prochaine.

Mais ces signes inquiétants, tout comme les préoccupations entourant l'impact au Canada de l'agitation économique à l'extérieur du pays, devraient également inciter la Banque du Canada à laisser ses taux d'intérêt inchangés, créant un environnement favorable aux acheteurs de résidence.

Les baby-boomers souhaitant vivre dans une résidence plus petite, la création de nouveaux ménages parmi les membres de la génération Y de même que l'arrivée constante d'immigrants sont également susceptibles de stimuler la demande.

Néanmoins, les économistes prédisent que l'activité sera inférieure à celle observée cette année, étonnamment élevée.

Plusieurs prévoyaient que l'augmentation de la valeur des habitations allait être tempérée par des indicateurs économiques qui annonçaient pour 2011 un ralentissement de la croissance des revenus ainsi qu'une diminution de la confiance des consommateurs, a rappelé Julie Ades, économiste au sein du Conference Board du Canada.

«Ces facteurs laissaient croire à un refroidissement du marché cette année, ce qui aurait donné lieu à une croissance des prix des logements plus lente», a-t-elle dit. «Mais ce n'est pas arrivé.»

Pendant les 10 premiers mois de l'année, les prix des résidences ont augmenté de 7,8% par rapport à la même période un an auparavant, selon l'Association canadienne de l'immeuble (ACI).

Plus «instable» qu'«ennuyeux»

Il y a un an, l'économiste en chef de l'ACI, Gregory Klump, avait émis l'hypothèse que le marché de l'habitation se résumerait cette année en seul mot: «ennuyeux». Avec le recul, il le qualifie maintenant d'«instable».

Le comportement des acheteurs d'une résidence en 2011 a été à l'opposé de la confiance affichée par les consommateurs, qui laissait croire à une baisse des achats d'importance.

«Finalement, ce qui comptait n'était pas ce qu'ils disaient, mais ce qu'ils faisaient. Et ce qu'ils ont fait a été d'acheter plus d'habitations», a affirmé M. Klump.

L'un des aspects les plus étonnants du marché - qui a d'ailleurs forcé l'ACI à revoir à la hausse ses prévisions à plusieurs reprises - a été l'activité observée sur le marché des résidences haut de gamme à Vancouver, durant les premiers mois de l'année, a indiqué M. Klump.

Un afflux d'investissements étrangers a fait grimper de pas moins de 25% le prix moyen des habitations à Vancouver par rapport à l'année précédente, à près de 900 000 $, ce qui a eu pour effet d'augmenter la moyenne nationale.

Mais peut-être plus étonnant encore, selon M. Klump, a été le fait que la forte activité constatée à Vancouver, Toronto et dans d'autres marchés chauds n'a pas ralenti autant que prévu après que le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, eut mis en place de nouvelles règles hypothécaires, en mars.

La baisse de la durée maximale d'une hypothèque et l'augmentation du versement initial à faire au moment de l'achat d'une propriété faisaient partie de la troisième tentative faite par le ministre en trois ans pour freiner les emprunts risqués.