La Régie du logement a manipulé la mise au rôle des audiences dans le but d'embellir sa performance administrative, critique le Protecteur du citoyen, dans un rapport d'enquête paru récemment.

Le ministre responsable du quasi-tribunal, Laurent Lessard, a mandaté le Conseil de la justice administrative de faire enquête, a confirmé hier son cabinet. Ce Conseil a notamment le pouvoir de recommander la destitution du président de la Régie, Me Luc Harvey.

En janvier et février 2011, le tribunal administratif a traité 607 causes dites générales et prioritaires en moins de trois mois après leur inscription. Habituellement, il faut attendre respectivement 17 mois et 8,6 mois, en moyenne, pour passer en audience dans ce type de cause.

La manipulation de la mise au rôle a eu pour effet de pénaliser des citoyens dont les causes n'ont pas été traitées dans l'ordre chronologique ordinairement en vigueur, ce qui a créé une iniquité, déplore le Protecteur du citoyen.

La Régie du logement a autorité pour entendre les causes relatives aux baux résidentiels. Elle répartit ses causes selon cinq catégories: urgence (par exemple expulsion du locataire, absence de chauffage ou cession de bail), non-paiement de loyer, fixation et révision de loyer, prioritaire (résiliation de bail pour des motifs autres que le non-paiement) et générale (réparations à effectuer, dommages-intérêts).

Régulièrement, la Régie, qui a déjà déploré dans la passé son manque de ressources, fait l'objet de plaintes au sujet des délais. Les délais les plus courts sont pour les causes de non-paiement de loyer et les causes urgentes. Les délais les plus longs sont pour les causes prioritaires et générales. Au 31 mars 2011, on dénombrait près de 35 000 dossiers en attente d'une audience à la Régie.

En novembre 2010, son président, Luc Harvey, a donné une instruction verbale visant à traiter les causes prioritaires et générales les plus récentes au détriment de causes plus anciennes en attente d'une audience.

L'objectif de la manoeuvre était de réduire le délai moyen apparaissant dans le rapport annuel. À la demande du Protecteur du citoyen, une note de bas de page a été ajoutée à la page 71 du rapport annuel 2010-2011 de la Régie du logement: « (...) Au dernier trimestre, une orientation a fait en sorte qu'en mars 2011, plusieurs causes civiles prioritaires et générales âgées de trois mois et moins ont été entendues. (...) Ceci a eu pour effet d'améliorer le délai moyen pour ces types de causes à la fin de l'exercice financier.»

Pour pouvoir devancer le traitement de ces 607 causes, la Régie a décidé d'entendre un nombre réduit de causes pour non-paiement de loyer en janvier et février 2011, augmentant ainsi les délais pour cette catégorie. Ces causes sont habituellement traitées en un peu moins de six semaines par le tribunal du logement. «La décision d'entendre moins de causes de non-paiement pour libérer du temps sur les rôles est étonnante, puisque la Régie a toujours invoqué une obligation légale découlant du Code civil pour justifier la priorité accordée à ce type de demande», souligne le Protecteur du citoyen dans son rapport.

L'article 1971 du Code civil stipule en effet que le propriétaire peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s'il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement.

De plus, l'initiative du président de la Régie n'a pas aidé tous ceux dont les causes ont été devancées. Les parties, surprises d'être appelées si rapidement en audience, en ont demandé le report en grand nombre. «Cette situation explique pourquoi le nombre de remises a quadruplé pour les causes générales et a augmenté d'environ 50% pour les causes prioritaires en janvier et février 2011», déplore le Protecteur du citoyen.

Notons que cette façon de faire n'a plus cours depuis le 1er avril 2011.

En vertu de l'article 9.5 de la Loi sur la Régie du logement, le gouvernement peut révoquer le président de sa charge administrative lorsque le Conseil de la justice administrative le recommande, après enquête faite sur demande du ministre.