Le prix des immeubles locatifs de quatre et six logements est surévalué de 17% à 32% dans les quartiers centraux de Montréal, soutient une étude obtenue par La Presse Affaires.

> Suivez Maxime Bergeron sur Twitter

Pour en arriver à cette conclusion, François Des Rosiers, professeur de gestion immobilière de l'Université Laval, a scruté toutes les ventes de «plex» de quatre et six logements réalisées dans Rosemont-La Petite-Patrie en 2010. Il a ciblé ce secteur car il reflète bien la dynamique des autres arrondissements en demande de la métropole.

«La chose qui ressort de ça, c'est que bon nombre d'acheteurs ont peut-être mal fait leurs calculs et ils ont payé beaucoup trop cher, a fait valoir M. Des Rosiers pendant un entretien. Pour les vendeurs, par contre, c'est très rentable: ils sont aux anges.»

Le professeur, dont l'étude a été commandée par la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), a analysé les transactions de 2010 selon plusieurs ratios couramment utilisés par les investisseurs. Il a aussi consulté une douzaine d'intervenants - des courtiers, banquiers, évaluateurs agréés - qui lui ont permis de décortiquer une à une les reventes de «plex» dans Rosemont.

Le prix médian des immeubles de quatre logements occupés par leurs propriétaires s'est élevé à 516 000$, tandis que le loyer versé par les locataires était de 533$. Les quadruplex non habités ont coûté 455 000$ et ont généré un loyer de 595$ par logement. Enfin, les immeubles de six logements se sont vendus 506 000$ et ont procuré un revenu mensuel médian de 507$ par appartement.

Or, pour fournir un rendement minimal sur une période de 10 ans, les quadruplex non occupés par leurs proprios auraient dû coûter 344 388$, affirme l'étude. Ils sont donc surévalués de 24%. Les quadruplex habités par leurs propriétaires auraient dû se vendre 315 009$, un écart de 32% par rapport à leur valeur marchande. Et les six logements auraient dû coûter 420 759$ plutôt que 506 000$.

«Rente de spéculation»

Le professeur Des Rosiers qualifie de «rente de spéculation» la surprime payée par les acheteurs de plex, dans un marché où la demande demeure forte. Selon lui, le ratio prix-revenus actuel ne pourra se maintenir à long terme, ce qui se traduira inévitablement par une baisse de la valeur de revente au cours des prochaines années.

«Ce sont des scénarios qui se sont déjà produits dans les années 80 et 90, a-t-il souligné. Les gens oublient très vite, surtout les plus jeunes.»

M. Des Rosiers, qui enseigne depuis 1976, s'attend en outre à des reprises de finance quand les taux hypothécaires commenceront à se relever de leur creux historique d'ici quelques années. Les acheteurs de quadruplex ont bénéficié d'un taux pondéré de 3,63% en 2010 dans Rosemont, a-t-il calculé. «Si les gens se sont endettés à la gorge, c'est là que les problèmes vont surgir.»

Même des courtiers immobiliers estiment que le niveau actuel des prix est trop élevé. «Ça n'a pas de sens, a dit Jacques Perron, de Re/Max du Cartier. Le seul segment pour avoir du rendement, c'est dans les six logements et plus. Tout ce qui est en bas de six, on vend ça à un propriétaire occupant. Et même dans les six et plus, la rentabilité est difficile à trouver: je vous mets au défi de trouver un plex payant dans le système!»

La courtière Brigitte Le Pailleur voit pour sa part de plus en plus de propriétaires de plex revendre leur immeuble «par morceaux», en copropriétés indivises, pour rentabiliser le prix d'achat. «Depuis trois ou quatre ans, je vois beaucoup ça.»

Par ailleurs, la faible rentabilité des immeubles locatifs décourage les propriétaires d'investir dans des rénovations majeures, ce qui entraîne une dégradation accélérée du parc immobilier, plaide le professeur François des Rosiers. La CORPIQ milite depuis des années pour que la Régie du logement assouplisse les règles entourant la fixation des loyers, ce qui réglerait une partie du problème de sous-investissement, selon l'organisme.

L'étude de M. Des Rosiers porte sur les immeubles de quatre et six logements et ne reflète pas l'ensemble du marché locatif, a-t-il précisé. Le segment des gros immeubles présente une dynamique différente, tout comme celui des duplex et triplex.