Automne 1990. Le prix moyen d'une maison unifamiliale dépasse à peine 112 000$ à Montréal. Le choix est vaste, tout comme le pouvoir de négociation des acheteurs. Pourtant, les ménages sont moins capables que jamais de s'offrir un lieu où vivre.

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L'indice d'abordabilité de Desjardins, mesuré chaque trimestre, atteint un creux historique cette année-là. Il chute à 99,2 points, ce qui signifie que le revenu disponible moyen est inférieur de 0,8% au salaire exigé par les prêteurs hypothécaires pour financer l'achat d'une résidence au prix moyen.

Retour à 2011. La valeur de revente moyenne d'une unifamiliale frôle les 329 000$ dans le Grand Montréal, presque le triple d'il y a 20 ans. Or, l'indice de Desjardins est en bien meilleure posture. Il a atteint 130,1 points au deuxième trimestre, a indiqué hier le Mouvement dans une étude.

La faiblesse actuelle des taux hypothécaires - loin de leur sommet de 14,25% de 1990 - explique cette accessibilité accrue. Mais la fête achève. «Comme les prix sont très élevés actuellement, et qu'ils continuent leur progression, lorsque les taux vont remonter dans deux ou trois ans, ça ne prendra pas beaucoup de hausses de taux pour ramener l'abordabilité à un faible niveau», a indiqué hier Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins.

Selon cette experte de l'habitation, il suffira d'une progression de 2% ou 3% des taux hypothécaires pour ramener l'indice d'abordabilité au même niveau qu'il y a 20 ans.

Époque euphorique

Jean-François Bigras, investisseur et ex-président de la Corporation des propriétaires immobiliers (CORPIQ), se souvient bien de la fin des années 80, marquée par un fort engouement pour l'immobilier à Montréal et dans le reste du pays. «Il y avait une espèce d'euphorie», relate-t-il.

En janvier 1989, par exemple, le nombre de résidences vendues explose de 90% dans la région de Montréal, et le volume de ventes, de 110%. Le prix moyen des maisons individuelles grimpe de 10,3% ce mois-là, indique une recherche menée dans les archives de La Presse.

Puis, la déprime a frappé, avec un taux de chômage et des taux d'intérêt élevés, qui ont plombé le marché immobilier pendant une bonne partie des années 90. Sans prédire un nouvel effondrement, Jean-François Bigras s'inquiète du niveau actuel des prix.

L'investisseur donne l'exemple d'un immeuble de 50 logements qu'il a vendu l'an dernier dans le Plateau Mont-Royal, une transaction fort payante qui le rend néanmoins perplexe. «J'ai vendu cet immeuble à un prix que je ne paierais pas. Je ne sais pas où replacer mon argent aujourd'hui, parce que les prix n'ont pas d'allure.»

En juillet, le prix moyen pondéré des maisons unifamiliales était de 328 808$ dans la région métropolitaine, celui des condos, de 268 589$, et celui des «plex» de deux à cinq logements, de 419 112$, selon les données de la Chambre immobilière du Grand Montréal. La hausse moyenne est de 4,7% sur un an.

La vigueur des prix surprend Hélène Bégin, qui s'attendait à une «accalmie» en 2011. Malgré cette poussée des prix, qui a fait reculer de 1,7 point l'indice d'abordabilité Desjardins au deuxième trimestre, elle rappelle que celui-ci n'est pas trop éloigné de sa moyenne historique de 138,3 points calculée depuis 1988.

L'économiste ne partage pas l'avis de certains de ses pairs - dont ceux de la Banque TD - qui prévoient une baisse des prix pouvant atteindre 8% à Montréal. Mme Bégin entrevoit plutôt une stagnation ou une progression qui ne dépassera pas le niveau de l'inflation.

Cet aplatissement des prix mettra toutefois plus de temps que prévu à se matérialiser, d'autant plus que le Banque du Canada a décidé de repousser de quelques trimestres la hausse prévue de son taux directeur. Dans un rapport publié hier, le Conference Board a indiqué s'attendre à des gains de prix de plus de 7% à Montréal dans les trois à six prochains mois.

Pour l'ensemble du Québec, l'indice d'abordabilité Desjardins a continué de se dégrader au deuxième trimestre. Il a reculé de 1,4 point (à 145 points), avec un prix moyen des maisons de 250 000$. Il s'est toutefois amélioré à Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières.

Au Canada, l'indice s'est éloigné de sa moyenne historique au deuxième trimestre, alors que la valeur de revente moyenne s'est élevée à 366 343$. L'indice se situe à 122,2 points, en baisse de 1,6 point.