Rentable, l'investissement dans l'immobilier locatif ? Très peu, si l'on se fie aux statistiques de construction de la dernière décennie au Québec. Énormément, affirme à l'opposé un groupe de recherche montréalais.

Dans un rapport publié cette semaine, l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) tente de défaire «les prétentions du lobby des propriétaires», selon lesquelles l'érection de logements locatifs n'est pas viable au plan financier. Pour prouver leur théorie, les chercheurs Guillaume Hébert et Marc Daoud dressent divers scénarios de rentabilité.

Selon le scénario «conservateur», l'acquisition d'un immeuble de 25 logements dans le centre de Montréal pour 3,2 millions de dollars procurerait, au bout de 15 ans, un rendement annualisé de 9,8% à son propriétaire. Dans le meilleur des cas, le rendement atteindrait 17,8%.

«Les résultats sont clairs, tranche l'étude. Même si les conditions du marché locatif s'avéraient moins favorables aux propriétaires dans les prochaines années (scénario pessimiste), le rendement de leur investissement demeurerait élevé.»

Selon l'IRIS, la seule raison pour laquelle les promoteurs érigent si peu de logements locatifs est que la construction de condos s'avère beaucoup plus payante. En conséquence, ils souhaitent voir le gouvernement imposer un plafond aux mises en chantier de copropriétés.

«Il pourrait y avoir des interventions des autorités pour mettre des plafonds et s'assurer qu'il n'y ait pas un débalancement aussi fort que présentement entre les mises en chantier de condos et de logements locatifs», a fait valoir Guillaume Hébert à La Presse Affaires.

Désintérêt

Les chiffres de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) témoignent du faible intérêt des promoteurs pour le locatif. L'an dernier, il s'est construit au Québec 20 355 maisons, 13 362 condos et environ 6900 appartements destinés à des locataires dans les villes de plus de 10 000 habitants.

Pour la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), ces données témoignent de l'impossibilité de rentabiliser la construction de logements locatifs. Hans Brouillette, porte-parole du regroupement, tire à boulets rouges sur l'étude de l'IRIS, qui «manque totalement de profondeur» selon lui.

«Une chose est sûre: quelles que soient les affirmations de l'IRIS, le fait est qu'il ne se construit à peu près plus de logements locatifs traditionnels, et que la rénovation désintéresse les propriétaires actuellement, lance M. Brouillette. Les conditions de marché ne sont tout simplement pas réunies pour favoriser le maintien en bon état du parc de logements et le développement avec de la construction.»

La CORPIQ dénonce depuis des années la difficulté de rentabiliser les réparations majeures, en raison du contrôle très serré des loyers exercé par la Régie du logement. Selon les statistiques les plus récentes de la SCHL, le loyer moyen d'un appartement de deux chambres s'établit à 671$ au Québec (en hausse de 19$ sur un an), le plus bas de toutes les provinces canadiennes.

Le taux d'inoccupation se situait en avril à 2,4% (nettement moins pour les grands appartements). L'IRIS parle d'une «crise du logement qui sévit depuis maintenant 12 ans», tandis que la SCHL qualifie la situation de stable.

«Depuis quatre ans, on est à peu près dans la même situation, et on est dans une situation où les locataires trouvent de quoi se loger, et les propriétaires louent bien leur logement», observe Bertrand Recher, analyste principal de marché à la SCHL à Montréal.

L'immobilier en Bourse

Qu'importe son degré de rentabilité, la possession d'un immeuble locatif comporte son lot de tracas. Plusieurs investisseurs préfèrent se tourner vers les fonds de placements immobiliers, notamment Cominar et Homburg, tous deux basés au Québec. Ces fonds cotés en Bourse achètent et assurent la gestion d'immeubles commerciaux et résidentiels et versent un dividende régulier à leurs porteurs de parts.

La firme de notation DBRS a publié cette semaine une étude sur le rendement des fonds immobiliers canadiens au premier trimestre de 2011. Ceux-ci ont généré un revenu net d'exploitation «raisonnable», en progression de 1% à 4%, indique l'agence.

Le niveau de liquidités des fonds canadiens demeure en général «approprié», a souligné DBRS.