Les bouchons de circulation, Robert Hill, courtier depuis 1988 sur la Rive-Sud, en a peu entendu parler pendant sa carrière en immobilier. Mais avec la congestion monstre des derniers jours, l'état d'esprit des acheteurs change, et vite, dit-il.

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«Ce matin, des clients en parlaient pendant une inspection, raconte le courtier de Re/Max. C'est nouveau que les gens aient ça dans leur discours. Dans les jours qui viennent, on va en entendre parler encore plus, au point où les gens diront: je m'arrange pour ne pas m'installer à Saint-Constant, à Delson, à Mercier ou à Châteauguay.»

Avec la fermeture partielle du pont Mercier décrétée d'urgence mardi soir, l'incertitude entourant le pont Champlain et les travaux prévus dans le tunnel Louis-H.-LaFontaine, les banlieusards de la Rive-Sud ne sont pas au bout de leurs peines. La congestion actuelle - et à venir - du réseau routier pourrait aussi affecter le marché immobilier de la région, déjà en net recul.

Depuis le début de l'année, le nombre de transactions a baissé de 18% sur la Rive-Sud, comparativement à un repli moyen de 11% dans l'ensemble de la région métropolitaine. Les délais de vente se sont allongés dans certains secteurs, comme à Boucherville et à Saint-Bruno. Dans ces deux villes, les maisons ont mis en moyenne 34 jours de plus que l'an dernier à trouver preneur en mai, indique la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM).

Aucun des courtiers interviewés par La Presse Affaires n'attribue ces baisses aux problèmes de congestion routière, qui ont pris des proportions catastrophiques seulement depuis quelques jours. Mais, chose certaine, ces embouteillages risquent de peser dans la balance pour les citadins qui songent à s'exiler vers la Rive-Sud.

«Est-ce que ça pourrait faire en sorte que certaines personnes indécises entre deux territoires opteraient pour un autre à cause d'un élément comme celui-là? C'est possible. Mais ça m'étonnerait qu'il y ait un impact significatif, qui ferait dire qu'à cause de ça, le marché a ralenti et les prix ont baissé», avance Patrick Juanéda, président du conseil d'administration de la CIGM.

En parallèle, des banlieusards commencent à quitter la Rive-Sud pour s'installer dans l'île. Louise Duval, courtière chez Re/Max, a reçu avant-hier l'appel d'un client qui vendra sa luxueuse propriété du secteur Collectivité-Nouvelle de Longueuil pour acheter à Mont-Royal. «La maison lui coûtera deux fois plus cher, mais sa qualité de vie était vraiment réduite à cause de la traversée des ponts», explique-t-elle.

Les promoteurs d'un tout nouveau projet immobilier montréalais - les Bassins du Havre dans Griffintown - tentent justement d'attirer les banlieusards exaspérés par la circulation. Leur objectif semble en voie d'être atteint: en une seule journée de prévente, mercredi, 104 des 127 logements de la première phase ont trouvé preneur, a-t-on appris.

3 h 15 pour entrer à Montréal

Les prochains mois diront si les embouteillages plomberont - ou pas - le marché immobilier de la Rive-Sud. Dans l'immédiat, les automobilistes ragent au volant... à toute heure du jour et de la nuit.

Véronique Charland, infirmière à l'Hôpital de Montréal pour enfants, réside à Saint-Chrysostome, sur la Rive-Sud. Comme elle travaille de nuit, son trajet vers l'hôpital prend normalement un maximum de 50 minutes. Il y a deux jours, elle a plutôt mis 3 h 15 pour se rendre au boulot! «Juste pour parcourir à peu près 2 kilomètres entre la sortie 51 et la sortie 53 sur la route 132, ça m'a pris 1 heure 45 minutes.»

Découragée, la jeune mère de famille songe à accepter un poste moins intéressant sur la Rive-Sud, pour éviter de perdre des heures dans sa voiture.

Les cas du genre pourraient contribuer à soutenir le marché de la Rive-Sud, croit Jean-Pierre Bouchard, qui dirige l'agence Royal LePage Tradition à Boucherville. Il soutient que ses affaires sont bonnes ce printemps, en partie parce que la majorité de sa clientèle travaille sur la Rive-Sud, donc se soucie peu des problèmes de transport.

Louise Duval, de Re/Max, dit quant à elle faire de très bonnes affaires dans les quartiers situés près des ponts ou du métro. «On a affiché une maison dans le Vieux-Longueuil la semaine dernière et elle s'est vendue en à peine deux jours, à un couple de Montréal, justement.»

Par secteurs, les délais de vente moyens se sont allongés de 17 jours en mai aux environs de Saint-Constant et à Longueuil, de 10 jours à Brossard/Candiac/La Prairie, de 7 jours à Chambly et de 2 jours à Châteauguay, tandis qu'ils ont raccourci de 2 jours à Beloeil/Mont-Saint-Hilaire et de 10 jours à Sainte-Julie/Varennes. Notons que le délai de vente moyen était de 72 jours en mai pour l'ensemble de la Rive-Sud, ce qui, historiquement, n'est pas très élevé.

En comparaison, le temps moyen pour vendre une maison s'est allongé de 10 jours le mois dernier dans le Grand Montréal (à 74 jours) et de 11 jours dans l'île (à 70 jours).

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18%

Baisse des ventes sur la Rive-Sud depuis le début de l'année*

11%

Baisse des ventes dans le Grand Montréal depuis le début de l'année*

*Comparativement aux cinq premiers mois de 2010

Source: Chambre immobilière du Grand Montréal