Le marché immobilier résidentiel canadien montre des signes de surchauffe et il doit modérer pour ne pas attiser l'inflation et fragiliser le système financier.

Tel est l'avertissement lancé hier par le gouverneur de la Banque du Canada (BdC), Mark Carney, devant la chambre de commerce de Vancouver, la ville où le prix des maisons est devenu prohibitif.

«Le crédit à faible coût a contribué à l'augmentation du prix des maisons au Canada plutôt qu'à l'investissement destiné à accroître la capacité de production et la compétitivité des exportations de nos entreprises, affirme M. Carney. Ces 10 dernières années, la dette immobilière résidentielle a crû de plus de 150%, alors que les emprunts des entreprises ont augmenté de seulement 40%. Par conséquent, le stock de dettes immobilières, qui était inférieur à la dette des entreprises, est maintenant supérieur de 66%.»

C'est la deuxième fois en un an et demi que la BdC fait une mise en garde sur la poussée des prix du marché immobilier tout en se gardant de parler de bulle.

La dette immobilière résidentielle a presque triplé en 10 ans pour atteindre 1300 milliards de dollars. À la différence de plusieurs pays, dont les États-Unis, elle est détenue surtout par les institutions financières canadiennes dont elle représente plus de 40% de l'actif.

Ce qui paraît inquiétant, c'est que le niveau d'endettement des ménages canadiens est désormais aussi élevé qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, aux prises avec une crise du marché de l'habitation.

«En raison de la position centrale qu'occupent les actifs et passifs immobiliers dans les bilans des ménages et des institutions financières, tout excès dans le secteur du logement pourrait faire naître d'importantes vulnérabilités dans le système financier», prévient le gouverneur.

Le logement est l'élément le plus lourd du panier de biens et de services sur lequel est construit l'Indice des prix à la consommation (IPC). La politique monétaire de la BdC est menée de manière à ce que l'IPC progresse de 2% par année.

En avril, il s'établissait à 3,3%, ce qui a amené M. Carney à réitérer que la détente monétaire considérable actuelle devra en partie être réduite, le moment venu.

L'inquiétude de la BdC, c'est que bon nombre de ménages ne seront pas en mesure d'absorber des coûts de logement accrus puisque les prix des maisons sont en moyenne de 13% plus élevés qu'avant la récession. Le cas de Vancouver est le pire de tous avec un sommet de 29%.

«L'incidence des hausses qui se produiront à terme sera probablement plus importante qu'au cours des cycles précédents, étant donné l'endettement plus élevé des ménages canadiens, prédit M. Carney. Avec un taux d'intérêt réel de 4% observé depuis 1995, l'accessibilité à la propriété reculerait pour s'établir à son niveau le plus faible en 16 ans.»

Plus les ménages empruntent, plus les coûts des emprunts augmentent et stimulent l'inflation, ce qui est susceptible d'inciter les autorités monétaires à serrer la vis davantage et plus rapidement.

M. Carney reconnaît que les taux faibles actuels, nécessités par la crise financière, ont créé leurs propres risques, notamment en stimulant le crédit, peut-être à l'excès.

«Nos institutions ne devraient pas être leurrées par un faux sentiment de sécurité provoqué par les bas taux d'intérêt actuels, avertit M. Carney. De même, les ménages devront se montrer prudents au moment de contracter des emprunts et tenir compte du fait que, pendant la durée d'un prêt hypothécaire, les taux seront souvent beaucoup plus élevés.»