Alors que les condos poussent comme des champignons dans la métropole, la Société d'habitation de Montréal (SHDM) entend effectuer un changement majeur de sa stratégie dans les prochaines années en recommençant à investir dans le logement locatif.

La société paramunicipale va continuer de construire des appartements mis en vente, notamment grâce au populaire programme Accès-Condo. Elle devrait ainsi en lancer plus de 800 sur le marché en 2011. Mais elle prévoit simultanément investir d'importantes sommes dans la construction de logements locatifs, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps.

«On sait qu'il y a une pénurie de logements locatifs et que le marché ne comble pas cette pénurie», a indiqué hier le président du conseil d'administration de la SHDM, Jean-Claude Cyr, en marge d'un point de presse pour présenter le rapport annuel 2010 de la société paramunicipale.

Alors que la construction de condos frise la surchauffe à Montréal, la SHDM estime que le marché locatif est resté dans l'ombre.

Selon M. Cyr, plusieurs analystes réalisent aujourd'hui que la construction de logements locatifs a été négligée. «Il n'y a quasiment pas de construction de locatif à Montréal parce que le condo est tellement payant que tout le monde préfère faire du condo, a illustré le président de la SHDM. Donc, les taux d'inoccupation sont très bas.»

Dans ce contexte, la Société entend augmenter son portefeuille locatif. Elle détient présentement quelque 4300 logements locatifs. La plupart de ces logements abordables ont été construits il y a entre 30 et 50 ans. Parmi ce lot, environ 2000 logements seront libres d'hypothèques en 2016. La SHDM envisage donc de les mettre en vente à cette date pour financer ses prochains projets locatifs.

«Pour la SHDM, être propriétaire d'un immeuble en soi, ça ne contribue pas au développement. Alors, si on a des immeubles qui n'apportent pas de contribution particulière, l'idée sera d'en disposer, de les vendre et de recycler le capital dans des activités de développement.»

La SHDM aura-t-elle de la difficulté à mettre sur le marché 2000 logements? Pas le moins du monde, croit-on. «Plusieurs institutions financières recherchent actuellement des parcs de logements locatifs parce qu'elles considèrent qu'il y a une stabilité au niveau des revenus et qu'il y a beaucoup moins de risques de volatilité», explique M. Cyr.

La société paramunicipale, qui est en quelque sorte le bras immobilier de la Ville de Montréal, a annoncé hier des surplus de 12 millions en 2010. Il s'agit d'un revirement de situation important, alors que la SHDM avait coutume d'accumuler les déficits avant sa restructuration en 2008.

Pour l'instant, la Société ne s'avance pas sur les sommes qui seront investies dans le secteur locatif. Son président indique cependant que des annonces pourraient être faites bien avant 2016. Les logements construits seraient abordables, mais la SHDM n'exclut pas que certains d'entre eux soient loués au prix du marché dans certains cas.

Un marché locatif stable

Selon les dernières données disponibles, le marché locatif est stable à Montréal. Depuis quatre ans, le taux d'inoccupation des logements montréalais se situe juste sous la barre des 3%, a expliqué Bertrand Recher, analyste à la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

«Le marché locatif à Montréal n'est plus aussi serré qu'au début des années 2000, a-t-il rappelé. À l'époque, le taux d'inoccupation était sous 1%. Il n'y a plus de rareté, mais ça se loue bien. Avec un taux d'inoccupation de 2,7% à Montréal, c'est un marché qui est bon des deux côtés.»

Selon l'analyste, le marché devrait se maintenir à ce niveau dans les prochaines années. «Pour les promoteurs, c'est peut-être plus intéressant de construire du condo que du locatif pour l'instant, a-t-il dit. Mais il y a toujours une demande locative importante, notamment du point de vue de l'immigration.»

- Avec la collaboration de Martin Croteau