Le gouvernement du Québec a déposé mardi un projet de loi qui donne la possibilité aux municipalités de verser un crédit d'impôt foncier aux propriétaires à faible revenu qui habitent la même propriété depuis au moins 15 ans.

Le crédit d'impôt foncier (taxes municipales) cible les propriétaires dont le domicile est une maison ou un appartement dans un immeuble en copropriété. Plus précisément, la mesure viendrait dédommager le propriétaire de longue date dont la hausse de valeur de la résidence excède la hausse moyenne des valeurs résidentielles de la ville de façon significative. Le ministère des Affaires municipales définit une hausse significative comme une hausse supérieure de 7,5% à la moyenne.

Le projet de loi vise à éviter les situations des gens à revenus fixes, comme les rentiers, qui sont forcés de se départir de leur domicile de longue date parce qu'ils sont désormais incapables de payer l'impôt foncier en raison de la hausse considérable de leur valeur dans le rôle municipal d'évaluation.

L'avis d'imposition est fonction du taux, décidé par la municipalité, et de la valeur foncière de la propriété telle qu'elle apparaît dans le rôle triennal d'évaluation.

Habituellement, si la valeur des maisons augmente en moyenne de 20%, par exemple, avec l'entrée en vigueur d'un nouveau rôle, la ville abaisse son taux d'imposition de 20%, si bien que l'effet sur la facture est nul dans ces cas. Toutefois, certains propriétaires dont la valeur de la maison s'est appréciée davantage que la moyenne voient leur fardeau fiscal s'alourdir.

Cette situation est vécue en particulier par les propriétaires de maisons riveraines d'un plan d'eau, dans des secteurs de villégiature prisés. On constate le même phénomène dans les quartiers urbains en vogue, comme le Plateau-Mont-Royal, à Montréal.

Prenons le cas d'une maison de 160 000$ dont la valeur augmenterait de 50% avec l'entrée en vigueur d'un nouveau rôle d'évaluation, tandis que les propriétés résidentielles de la ville augmentent en moyenne de 25%. À un taux d'imposition de 1$ par 100$ d'évaluation, le propriétaire ciblé toucherait un crédit de 250$ pour un avis d'imposition de 2400$ (avant crédit).

Selon une estimation du ministère des Affaires municipales, 50 000 propriétaires au Québec maximum sont susceptibles de profiter du crédit, soit 2,7% de l'ensemble des 1,8 million de maisons et de condos de la province. Il s'agit d'une estimation du nombre de propriétaires qui demeurent depuis au moins 15 ans dans leur maison et dont la valeur a augmenté de plus de 7,5% que la moyenne des valeurs résidentielles de leur localité. Tous n'auront pas droit au crédit puisque seuls se qualifieront les ménages qui touchent le nouveau crédit d'impôt à la solidarité. Ce crédit est versé aux personnes seules ayant un revenu de moins de 49 000$ et aux ménages de deux personnes ayant moins de 52 500$ de revenu familial net.

Réactions

Les municipalités qui ne cessent de réclamer de nouveaux moyens financiers à Québec n'ont jamais été chaudes à l'idée de sacrifier des revenus fonciers. «C'est finalement la moins pire des solutions», souligne Éric Forest, maire de Rimouski et président de l'Union des municipalités du Québec. À ses yeux, le projet de loi cible les bonnes personnes; il fait toutefois remarquer qu'il entraînera un déplacement du fardeau fiscal sur ceux qui n'ont pas accès au crédit.

«Après plus de cinq ans d'études, le gouvernement a accouché d'une souris», critique pour sa part Yvon Robert, du Regroupement évaluation équitable. Son association réclame l'instauration d'un plafond sur l'évaluation foncière, à l'image de ce qui se fait en Nouvelle-Écosse. Il déplore que le projet de loi no 4 soit volontaire. «Le gouvernement ne règle pas le problème», dit M. Robert, pour qui le problème est l'évaluation des propriétés.

Son de cloche semblable au mouvement Vivresurleplateau.com: «Il serait plus simple de répartir la taxation de façon plus équitable sans égard à l'évaluation de la propriété», dit Robert Gignac, porte-parole. Comme Yvon Robert, M. Gignac aimerait que le gouvernement étudie sérieusement le plafond en vigueur en Nouvelle-Écosse.

Dans cette province, la valeur foncière augmente au rythme de l'indice des prix à la consommation, et ce, tant que le propriétaire conserve sa propriété. La maison est réévaluée à sa valeur marchande lors de sa revente.