Baisse des prix de 25%, stagnation, hausse... La trajectoire du marché immobilier laisse place à toutes sortes de scénarios, selon les analyses. Dernière en lice à ajouter son grain de sel, l'Association canadienne de l'immeuble (ACI) revoit en forte hausse ses prévisions pour 2011.

En novembre dernier, l'ACI prévoyait un recul de 9% des transactions cette année et un fléchissement de 1,3% du prix de vente moyen, à 326 000$. Dans un nouveau rapport publié hier, l'organisme prédit plutôt une légère baisse de 1,6% du nombre de reventes au Canada et un prix moyen en progression de 1,3%, à 343 300$.

Pourquoi un tel redressement? Les dernières prévisions ont été fortement teintées par la chute de l'activité de revente de l'été dernier, a fait valoir Gregory Klump, économiste en chef de l'ACI. «Or, le marché s'est redressé beaucoup plus vite qu'on l'avait anticipé au quatrième trimestre, ce qui a fortement influencé nos prévisions à la hausse».

Le marché immobilier canadien a suivi une trajectoire très inhabituelle en 2010, avec un boom fulgurant en début d'année, un creux à l'été et une reprise marquée à l'automne, a souligné M. Klump à La Presse Affaires. Autant d'éléments extraordinaires «qui ont joué sur la volatilité l'an dernier, et qui ne devraient pas se reproduire cette année». D'où des prévisions plus fiables, affirme-t-il.

L'ACI justifie aussi son scénario optimiste par le niveau de confiance élevé des consommateurs canadiens et la bonne tenue du marché de l'emploi. Un constat partagé par Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins.

Selon elle, les prévisions révisées de l'ACI sont «pleines de bon sens». «Les hausses de prix très importantes sont derrière nous, ça continue de progresser à un rythme moins important et le nombre de transactions se stabilise», a-t-elle dit hier.

Hélène Bégin prévoit des hausses de prix supérieures à celles avancées par l'ACI, qui pourraient selon elle frôler les 5% à l'échelle canadienne cette année et un peu moins en 2012. L'Association s'attend pour sa part à un gain de 1,3% l'an prochain, qui porterait la valeur moyenne des propriétés à 347 900$ au pays.

Baisse de 25%?

Qu'importe l'écart entre les prédictions, les deux économistes sont loin de partager la thèse avancée la semaine dernière par la firme de recherche Capital Economics, qui anticipe une chute des prix de 25% à 35% au Canada d'ici trois ans. Selon l'étude, la hausse des taux hypothécaires fera bondir le nombre de reprises de finance et réduira la demande pour les maisons - donc les prix.

Mme Bégin estime que les prix sont légèrement surévalués au Canada et entrevoit une baisse possible de 5% à 10% «à moyen terme». Mais elle fait valoir que plusieurs des ingrédients de la crise immobilière américaine sont absents ici, ce qui écarte le scénario catastrophe avancé par Capital Economics. Gregory Klump considère pour sa part que l'analyse est «remplie de défauts».

L'ACI s'attend par ailleurs à ce que le resserrement des règles entourant le financement hypothécaire incite certains propriétaires à devancer l'achat d'une propriété dans les prochaines semaines. Ottawa a réduit de 35 à 30 ans la durée maximale d'amortissement pour un prêt hypothécaire, une mesure qui entrera en vigueur le 18 mars prochain.

Cette nouvelle règle devrait se faire sentir davantage dans les marchés les plus dispendieux, et moins au Québec, où les prix demeurent plus abordables, estiment les économistes.

Selon l'ACI, le prix moyen des propriétés grimperont de 5,6% cette année au Québec, à 262 700$, et de 4,1% l'an prochain, à 273 500$. Le nombre de transactions devrait pour sa part augmenter de 1% cette année et de 2,5% en 2012, avec 83 050 unités vendues, prévoit le regroupement d'agents immobiliers.

Desjardins se montre plus conservateur. Selon les plus récentes projections d'Hélène Bégin, le prix moyen devrait progresser de 2,7% cette année, à 248 000$, et de 2% l'an prochain, à 253 000$. Le Mouvement prédit par ailleurs un recul du nombre de reventes de 2% cette année et de 3,2% en 2012, ce qui porterait le nombre total de maisons vendues dans la province à 76 000 l'an prochain.