Des quartiers de Montréal, de Québec et des autres villes de la province pourraient devenir des zones libérées de toute contrainte référendaire en matière d'urbanisme, selon un avant-projet de loi déposé la semaine dernière par le ministre Laurent Lessard.

L'article 82 de l'avant-projet de loi d'une centaine de pages qui vient moderniser la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme donne la possibilité aux villes et municipalités québécoises de définir dans leur plan d'urbanisme des secteurs stratégiques «en tant que zone franche d'approbation référendaire et à l'intérieur de laquelle aucune modification réglementaire ne sera sujette à l'approbation référendaire».

Les zones doivent prioritairement faire l'objet de rénovation urbaine, de réhabilitation ou de densification. Le plan d'urbanisme doit définir des objectifs, stratégies et cibles spécifiques à ces fins. «La nouvelle loi contribuera à la mise en oeuvre du développement durable en accordant la priorité à des objectifs comme la densification pour contrer l'étalement urbain», explique le ministre des Affaires municipales, dans un communiqué.

Le texte de loi ne définit pas ce qu'est une zone et pourrait théoriquement couvrir un quartier complet, comme le centre-ville.

L'Institut de développement urbain du Québec (IDU Québec), lobby de promoteurs, accueille favorablement l'avant-projet, dans un communiqué. «C'est une grande victoire, dit Guillaume Neveu, président du comité d'urbanisme de l'IDU Québec à Québec et urbaniste. On vient réparer une erreur qu'on a commise avec les fusions municipales.»

Contrairement aux citoyens du reste de la province, les résidents de Montréal et Québec n'avaient pas le pouvoir d'exiger un référendum jusqu'au moment des fusions municipales au tournant des années 2000. Le législateur a préféré étendre ce pouvoir aux habitants des grandes villes plutôt que de le retirer aux citoyens des villes fusionnées de la banlieue.

Le référendum est un moyen donné aux citoyens concernés de bloquer un projet immobilier nécessitant une modification à la réglementation d'urbanisme en vigueur.

«On doit constater à l'usage que le référendum, bien qu'intéressant pour des citoyens et des groupes de pression, est un mécanisme un peu bête où on décide de l'avenir du projet sans être capable d'y apporter la moindre nuance», dit Gérard Beaudet, professeur d'urbanisme de l'Université de Montréal, à qui on a demandé ses commentaires sur l'avant-projet de loi.

Pour l'universitaire, une ville de la taille de Montréal dispose de l'Office de consultation publique ou du Conseil du patrimoine pour analyser les projets qui lui sont soumis. «Il y a d'autres poignées (que le référendum) pour se faire une meilleure tête sur le projet et mettre sur la place publique un certain nombre d'avis favorables ou non.»

Levée de boucliers à prévoir

On imagine que cette disposition sera interprétée comme un recul démocratique aux yeux de certains groupes de citoyens. «C'est clair qu'on va faire valoir que la voix citoyenne est brimée», reconnaît le professeur Beaudet.

Autre nouveauté introduite par l'avant-projet, l'article 129 ouvre la porte au «bonus zoning», comme ça existe depuis des années à Toronto, d'après Guillaume Neveu, de l'IDU. Cette disposition donne le pouvoir à une ville de passer outre à des normes de zonage, à l'exception des normes sur les usages, en contrepartie d'aménagements ou équipements d'intérêt général.

Par exemple, un promoteur pourrait gagner des étages au-delà de la hauteur permise en échange d'un engagement sur l'aménagement d'un parc public.

Par ailleurs, l'avant-projet de loi laisse le soin aux municipalités de se doter d'une politique d'information et de consultation de leurs citoyens.

L'avant-projet de loi est le fruit d'un travail de concertation avec les partenaires du monde municipal, dit le ministre, et représente une réforme majeure de la Loi sur l'aménagement qui a plus de 30 ans.

Le ministre entreprendra une tournée en région en février pour expliquer son avant-projet.