Les propriétaires pourront désormais expulser plus facilement les locataires fautifs qui abusent des procédures de la Régie du logement pour allonger les délais.

C'est du moins ce que prévoit le projet de loi 131, déposé jeudi à l'Assemblée nationale. En vertu des changements proposés, la Régie pourra elle-même refuser les demandes de révision de certains dossiers de locataires, plutôt que de les renvoyer à la Cour du Québec comme c'était le cas avant.

«On parle de la fin de l'abus de procédures, a déclaré Martin Messier, président de l'Association des propriétaires du Québec. Cela vient empêcher les scénarios où on voit des propriétaires qui en sont à 12 mois de loyer impayé parce que le locataire a fait quatre demandes de rétractation à la Régie.»

Le ministre des Affaires municipales Laurent Lessard espère que le projet sera adopté avant Noël.

Les cas de loyers impayés sont en hausse soutenue au Québec. Selon les données de la Régie, ils sont passés de 39 927 il y a 10 ans à 46 315 l'an dernier. Et ce ne serait que la pointe de l'iceberg, puisque seuls 40% des proprios lésés portent plainte, selon la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).

Ceux qui se plaignent -et gagnent leur cause- font parfois face à des demandes de « rétractation » du jugement, qui allongent à chaque fois les délais avant qu'un locataire fautif puisse être évincé. La procédure est d'autant plus laborieuse que les régisseurs de la Régie n'ont pas le droit de refuser une demande rétractation, même s'il y a abus flagrant.

Selon le projet de loi 131, les régisseurs auront désormais le pouvoir de refuser eux-mêmes les requêtes injustifiées, plutôt que de renvoyer le dossier à la Cour supérieure. Cela viendra accélérer la procédure d'expulsion des locataires fautifs.

«Les propriétaires vont être capables d'obtenir justice», a fait valoir Hans Brouillette, porte-parole de la CORPIQ.

Un «faux problème»?

Les groupes de défense locataires ne s'opposent pas catégoriquement aux changements à la Loi sur la Régie. Mais pour France Émond, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, il s'agit là d'un «faux problème».

Selon elle, le délai démesuré pour le traitement des plaintes de locataires constitue un enjeu beaucoup plus criant. Le délai avant d'obtenir une première audience à la Régie pour une cause non-urgente était de 17,3 mois l'an dernier.

« Le problème est facile à régler : ça prend plus de régisseurs», a fait valoir Mme Émond.

La Régie compte un total de 36 régisseurs pour toute la province. Un nombre insuffisant, estiment plusieurs intervenants consultés par La Presse Affaires. En témoignent les 20 110 dossiers en attente d'une première audience -dont 5454 depuis plus d'un an- au 31 mars dernier.

Au bureau du ministre Laurent Lessard, on indique « ne pas avoir eu de demande pour ajouter des régisseurs ». On estime aussi que le projet de loi 131 permettra de « désengorger » la Régie en réduisant le nombre de demandes de rétractation.

Jean-Pierre Leblanc, porte-parole de la Régie, souligne néanmoins que le nombre de régisseurs pourrait être plus élevé. « Dans un monde idéal, on pourrait en avoir plus, sauf que la Régie est assujettie aux règles et aux budgets de l'Assemblée nationale.»

Quelque 1934 demandes de rétractation ont été déposées l'an dernier par des locataires. La CORPIQ souligne qu'elles ne sont pas toutes «nécessairement abusives ».

Le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), très actif dans la défense des locataires, reconnaît que les cas de non-paiement de loyer sont en hausse. Mais selon sa porte-parole Marie-Josée Corriveau, le problème repose du côté des propriétaires, qui augmentent les loyers beaucoup plus vite que le taux d'inflation.