Vingt-trois projets immobiliers, 6500 logements, l'arrondissement du Sud-Ouest croule sous les demandes de construction dans le secteur de Griffintown. Les promoteurs se ruent vers cet ancien quartier industriel, affirme le maire Benoît Dorais, qui estime qu'une telle effervescence immobilière est sans précédent dans l'histoire de Montréal.

«Ce qui se passe actuellement dans Griffintown, c'est du jamais vu dans l'histoire du développement de Montréal, a déclaré M. Dorais, mardi, devant la chambre de commerce et d'industrie du Sud-Ouest. C'est une transformation radicale d'un territoire qui est immense, et dont l'attractivité est phénoménale.»

Le promoteur Devimco a dévoilé en grande pompe sa version «réduite» du District Griffin, l'été dernier. Mais ce projet de 475 millions de dollars n'est que la pointe de l'iceberg. L'arrondissement du Sud-Ouest traite actuellement 23 demandes de différents promoteurs immobiliers, et le maire Dorais s'attend à ce que plusieurs autres se manifestent dans les prochains mois.

Parmi les projets qui sont connus, on compte la neuvième phase du projet Lowney's, de Prével, ainsi que le Carré de la Montagne, piloté par Maître Carré. À quelques mètres de Griffintown, environ 2000 logements seront construits en bordure du canal de Lachine dans le projet des Bassins du nouveau havre, sur le terrain de l'ancien centre de tri postal.

Propriétaire de McGill Immobilier, Patrice Groleau a vu venir l'engouement pour Griffintown. Le courtier, qui se spécialise dans la mise en marché de projets immobiliers, y ouvrira un nouveau bureau, coin Wellington et Prince, dans un mois. Il a même acheté des noms de domaine internet «condosgriffintown.com» et «courtiergriffintown.com».

«On fait affaire avec différents promoteurs, et à peu près tout le monde qu'on connaît soumissionne sur les différents terrains du secteur, explique-t-il. Et c'est tout à fait logique: on a, d'un côté, le Vieux-Montréal, en haut le centre-ville, à l'ouest le marché Atwater et Westmount, et, en bas, on est au bord de l'eau.»

«Je dois avouer que je n'ai pas vu ça souvent, convient Jacques Vincent, coprésident de Prével. Autant d'activité concentrée dans un même secteur... Ce qui est phénoménal, c'est le revirement.»

L'homme d'affaires fait figure de pionnier dans le secteur, lui qui a acquis les anciennes usines de Lowney's à une époque où peu de promoteurs s'aventuraient dans le quartier industriel moribond. En partenariat avec les Conceptions Rachel-Julien, il bâtira aussi les quelque 1600 appartements en copropriété des Bassins du nouveau havre.

Nouveau zonage

C'est en 2008 que le véritable déclic s'est produit. Pour encadrer la réalisation du projet Griffintown de Devimco, il s'est doté d'un programme particulier d'urbanisme (PPU).

De quartier industriel de faible densité, le secteur est devenu résidentiel à haute densité. Contrairement à la plupart des quartiers de Montréal, on y a autorisé la construction de bâtiments en hauteur.

Ce règlement a provoqué un regain d'intérêt pour les terrains de Griffintown, cet ancien quartier industriel situé à un jet de pierre du centre-ville. Pas étonnant: les immeubles en hauteur rapportent bien davantage à un promoteur qu'un ensemble de trois ou quatre étages.

«Le prix des terrains, à la suite du PPU, ça a créé de la spéculation importante, a indiqué le maire Dorais. La valeur des terrains a presque triplé.»

Les terrains à Griffintown se vendent environ 100$ le pied carré, indique Mathieu Collette, consultant principal en immobilier au Groupe Althus. En guise de comparaison, des terrains résidentiels à Longueuil se vendent autour de 25$ le pied carré. Les terrains du centre-ville, eux, valent entre 200$ et 300$ le pied carré.

«Normalement, lorsqu'on fait un changement de zonage, on va l'appliquer à une propriété, par exemple à un grand terrain, explique l'évaluateur agréé. Mais, dans ce cas-ci, on a pris un secteur complet et on a changé le zonage. C'est donc tout le secteur qui est voué à être mis en valeur.»

Mathieu Collette estime que la mise en valeur de Griffintown s'étalera sur une vingtaine d'années. Mais, selon lui, le quartier commencera à changer de visage dans cinq ans, lorsque l'arrivée de nouveaux résidants attirera des commerces de proximité comme des épiceries ou des nettoyeurs.