La hausse salée de l'évaluation foncière inquiète plusieurs propriétaires d'immeubles à logement montréalais, dont certains ont vu la valeur de leur «plex» grimper de près de 80% au rôle 2011 dévoilé le mois dernier.

Daniel Dagenais, qui possède un quadruplex à Montréal-Ouest, a ainsi vu son évaluation passer de 280 000$ en 2007 à 500 000$ au nouveau rôle. Un bond «inadmissible» de 78%, qui fera reculer la valeur marchande de sa propriété en plus de pénaliser ses locataires, a-t-il dénoncé à La Presse Affaires.

«Je ne serais pas surpris de me faire assommer avec une hausse de 50% de mon compte de taxe», a avancé M. Dagenais.

L'impact exact des nouvelles évaluations municipales sur l'impôt foncier sera connu le mois prochain, quand la ville centre fera connaître son budget 2011. La municipalité devrait abaisser graduellement son taux d'imposition pour amoindrir le choc financier dans le portefeuille des contribuables.

Or, les propriétaires dont la résidence a pris plus de valeur au rôle que la moyenne - qui s'élève à 27% pour les «plex» dans l'île de Montréal - peuvent d'emblée s'attendre à subir des hausses plus marquées de leur impôt foncier. Une question cruciale pour les proprios d'immeubles à logements.

D'une part, la valeur marchande de leur propriété dépend de ses revenus et dépenses, notamment l'impôt foncier. Une hausse trop brutale risque d'affecter les ratios utilisés pour calculer la rentabilité du «bloc», plombant du coup son prix à la revente. Par exemple, Daniel Dagenais estime à 50 000$ la dévaluation subie par son quadruplex.

D'autre part, une augmentation prononcée de l'impôt foncier touchera aussi les locataires. Car en vertu de la loi québécoise, les propriétaires peuvent leur refiler l'intégralité des hausses.

«Pour les ménages à faible revenu, ça veut dire un appauvrissement garanti», a déploré Jean-Claude Laporte, porte-parole du FRAPRU, un organisme de défense du droit des locataires.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) est consciente du problème. «La question, c'est toujours: comment refiler cette hausse-là à ses locataires sans les perdre, et sans non plus perdre sa marge de manoeuvre pour augmenter le loyer en fonction des autres dépenses», a dit son porte-parole Hans Brouillette.

La CORPIQ incite malgré tout les proprios à refiler les hausses de l'impôt foncier à leurs locataires.

«N'absorbez pas des montants que vous ne pourrez récupérer par la suite, a fait valoir M. Brouillette. Autrement dit, quand les augmentations (de l'impôt foncier) sont passées, il est trop tard ensuite pour augmenter le loyer en fonction de ce qui a été la hausse d'il y a deux ans. Ce qui n'est pas demandé maintenant ne pourra l'être dans le futur.»

La CORPIQ tiendra dans les prochains jours des séances d'information avec un économiste pour présenter les scénarios de hausse d'impôt foncier aux propriétaires. Une rencontre aura lieu demain à Longueuil, et une autre lundi prochain à Montréal.

Le FRAPRU s'attend pour sa part à recevoir de nombreuses plaintes de locataires. «C'est certain qu'on s'attend à des problèmes, comme à chaque fois», a dit Jean-Claude Laporte.

Contestations

Les propriétaires qui jugent leur nouvelle évaluation foncière exagérée ont jusqu'au 30 avril prochain pour demander une révision à la Ville de Montréal. Cela vaut aussi pour les résidants des municipalités défusionnées.

Au dernier rôle de 2007, quelque 1,2% des dossiers d'impôt foncier ont été contestés, ce qui représentait 5320 immeubles. Près de 60% des proprios résidentiels qui ont demandé un abaissement de leur évaluation municipale l'ont obtenue, selon les données fournies à La Presse Affaires par la Ville.

À ce jour, la municipalité a reçu environ 60 avis de contestation pour le nouveau rôle 2011, a indiqué la porte-parole Patricia Lowe.