«Tous les condos neufs sont vendus avec des frais de condo inappropriés», annonce Céline Corriveau, présidente du Groupe Immobilier Celico.

En e f fe t , con firme le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), les budgets prévisionnels préparés par les promoteurs sont généralement inadéquats. Dans son mémoire déposé auprès de la ministre de la Justice le 16 février dernier, le RGCQ a demandé des mesures coercitives à cet égard, qui obligeraient les promoteurs à présenter un budget réaliste. Présentement, lorsque les nouveaux administrateurs de la copropriété prennent les rênes, ils doivent corriger la trajectoire avec un nouveau budget mieux fondé, lequel se traduit par des charges de copropriété plus élevées que celles annoncées. «Quand les gestionnaires entrent en place et mettent des contrats sur la ventilation, les portes de garage, la génératrice et j'en passe, les frais de condo ont presque doublé», décrit Céline Corriveau.

Outre qu'il connaît mal les coûts réels, le promoteur veut demeurer compétitif sur le marché. «Le promoteur consciencieux qui présente des charges communes réalistes se ramasse avec un problème de concurrence avec son voisin «, observe Me Yves Joli-Coeur, avocat spécialisé en droit de la copropriété. Car le consommateur achète souvent un condo comme il achèterait une voiture: il magasine un paiement mensuel.

Fonds de prévoyance anémique

Depuis 1994, le Code civil oblige les copropriétaires à verser au fonds de prévoyance un minimum de 5% de leur contribution aux charges communes. L'objectif du législateur était clair: accumuler les fonds nécessaires à l'entretien, aux réparations et aux réfections qui ne manqueront pas de survenir.

Mais les promoteurs ont retenu la lettre plutôt que l'esprit. Pour maintenir les charges communes à des niveaux qui ne feront pas pâlir les acheteurs potentiels, ils se contentent du minimum de 5% du budget d'opération. Mais comme le fait valoir Céline Corriveau, «ce n'est pas parce que ton immeuble a un petit budget d'opération que le toit va coûter moins cher à refaire». Une saine gestion prévoirait plutôt le coût de la réfection de ce toit, et accumulerait la somme nécessaire durant sa durée de vie.

C'est , grosso modo, la méthode utilisée en Ontario, où la loi oblige à des études de fonds de prévoyance, et où l'acheteur peut consulter le registre pour s'assurer que le fonds de prévoyance est conforme à cette étude.

« Ce 5% est un leurre, insiste Me Joli-Coeur. Nous préconisons d'enlever ce chiffre et de rendre obligatoire, comme en Ontario, une étude de fonds de prévoyance qui va venir dire que vous devez provisionner telle somme par année. Si vous trouvez que c'est trop cher, n'achetez pas.» Mais même lorsqu'une étude de fonds de prévoyance est réalisée par des personnes compétentes, les copropriétaires québécois renâclent devant les charges communes qui découleraient de son application, arguant, eux aussi, qu'il faut demeurer compétitif surle marché.

Pourtant, il ne serait que justice que les gens qui jouissent de l'immeuble aujourd'hui paient pour l'usure régulière qui résulte de cet usage, plutôt que refiler la facture aux futurs propriétaires. «Il y a des propriétaires de condos qui se spécialisent là-dedans, dénonce Céline Corriveau. Ils déménagent tous les 10 ans, et ne paieront jamais pour l'utilisation de l'immeuble s'il n'y a pas une planification mise en place pour le fonds de prévoyance.»