Vendre sa maison pour un frais fixe de 109$, sans payer de commission? C'est ce qu'offre depuis quatre ans un courtier d'Ottawa, et il espère lancer son service partout au pays - y compris au Québec - d'ici la fin de l'été, a appris La Presse Affaires.

Joe William, président de Best Value Real Estate (BVRE), propose une version «allégée» de la formule de vente traditionnelle. Il inscrit les propriétés de ses clients sur le site web du système inter-agences (MLS), et ceux-ci s'occupent ensuite de tous les autres aspects de la transaction, comme les visites libres. Les vendeurs sont libres d'offrir ou non une commission à l'agent de l'acheteur.

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M. William affirme que l'intérêt pour son entreprise a explosé depuis quelque temps, d'où son désir de s'implanter dans tout le pays. «Je reçois de 400 à 500 courriels par jour de partout en Ontario, et de plus en plus des autres provinces.»

Le service de BVRE diffère de celui offert par les agences comme duproprio.com, grâce à l'importante visibilité que procure MLS. Des milliers de Canadiens à la recherche d'une maison consultent ce réseau chaque jour, mais seuls les agents ont le droit d'y inscrire une propriété.

Règles contournées

Joe William admet avoir contourné plusieurs règles de l'Association canadienne de l'immeuble (ACI) - qui régit la pratique des 99 000 agents du pays - pour pouvoir offrir son service.

Par exemple, l'ACI interdit aux agents d'inscrire le numéro de téléphone personnel des vendeurs dans les annonces. Pour se conformer à l'esprit du règlement, BVRE n'indique pas les coordonnées dans ses inscriptions. Mais en cliquant sur un lien, on est redirigé vers une page web externe où figure le numéro.

Joe William dit faire l'objet de plaintes chaque semaine de la part d'agents traditionnels, frustrés par ses pratiques. Cela ne l'a toutefois jamais empêché de poursuivre ses activités. «Si je viole des règles, dites-le moi, mais jusqu'à maintenant je ne l'ai pas fait.» (L'Ottawa Real Estate Board n'a pas rappelé La Presse Affaires pour discuter de la situation.)

Et comment une entreprise comme BVRE peut-elle faire de l'argent en facturant seulement 109$ à ses clients? Les profits ne viennent pas de ce frais fixe... mais plutôt des deuxièmes hypothèques qu'offre l'agence. Des prêts à un taux d'intérêt de 17%.

«Beaucoup de nos clients à Ottawa ont besoin d'une nouvelle fournaise ou d'un nouveau toit pour rendre leur maison plus attrayante au moment de la vente, dit Joe William. On paie ces travaux en contractant une deuxième hypothèque sur la propriété, et le vendeur nous rembourse au moment de la vente.»

Environ 12% des clients de l'agence prennent une telle hypothèque, «ce qui est plus que suffisant pour soutenir notre modèle d'affaires», affirme M. William. BVRE mise sur ses autres clients moins payants - ceux qui ont payé seulement 109$ - pour faire du bouche à oreille.

La société s'attend à vendre environ 1000 maisons cette année, quatre fois plus qu'à sa première année.

Applicable au Québec?

Il est loin d'être acquis que BVRE pourra lancer son service au Québec sans modifier ses pratiques. La province, qui vient de se doter d'une nouvelle Loi sur le courtage immobilier, est plus sévère que ses consoeurs canadiennes à bien des égards.

Le tarif fixe de 109$ exigé par l'agence ne pose pas problème, puisque la législation ne régit pas le taux de commission des agents. Mais les courtiers québécois ont l'obligation légale de vérifier toutes les informations qui figurent dans leurs inscriptions, comme la grandeur des pièces et l'impôt foncier, explique Robert Nadeau, président et chef de la direction de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

«En vertu de ses obligations professionnelles, l'agent ne peut pas dire: «Je fais juste inscrire la propriété (sur MLS) et je ne m'en occupe plus après», dit M. Nadeau. Il est obligé de s'en occuper.»

La question des deuxièmes hypothèques risque aussi de poser problème. Les agents québécois sont autorisés à faire du courtage hypothécaire, mais «ne peuvent pas se placer dans une position où ils sont prêteurs», dit Robert Nadeau.

Enfin, le président de l'OACIQ souligne que toute agence immobilière doit avoir une place d'affaires au Québec pour y être active. Ses courtiers doivent aussi détenir une licence de courtage de la province.

Joe William espère plutôt réaliser toutes ses affaires à partir d'Ottawa. Les propriétés à vendre à Montréal seraient affichées par l'entremise de la Chambre immobilière d'Ottawa, mais elles apparaîtraient sur la carte de Montréal dans le système MLS, explique-t-il.

L'homme d'affaires est actuellement à réviser les règles de toutes les provinces avec ses avocats pour déterminer quelle réponse donner aux différentes autorités en cas de problème. Il est confiant de trouver le moyen d'appliquer son modèle d'affaires partout au pays, malgré des obstacles évidents.

«Personne ne l'a jamais essayé, alors on va le faire.»