Le nombre de propriétés vendues au-delà du prix demandé a triplé depuis le début de l'année dans l'île de Montréal, une tendance qui commence à décourager bien des acheteurs.

Selon les données obtenues par La Presse Affaires, 9% des ventes se sont conclues à un prix supérieur à celui affiché entre janvier et avril, contre 3% pendant la même période l'an dernier. La surenchère est même devenue monnaie courante dans l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, où 22% des transactions ont fait l'objet d'une guerre de prix depuis le début de 2010.

Le phénomène touche autant les appartements en copropriété que les maisons individuelles et les «plex». Pierre Viens, courtier chez La Capitale du Mont-Royal, indique avoir obtenu récemment 440 000$ pour un condo affiché à 399 000$ dans le Plateau-Mont-Royal. Et 460 000$ pour un «petit triplex» listé à 399 000$ près du marché Jean-Talon.

«Il y a toujours huit ou neuf offres, et les trois quarts d'entre elles sont au-dessus du prix demandé», a dit M. Viens.

Cette surchauffe commence à décourager bien des acheteurs potentiels. Pierre-Alexis Jasmin, réalisateur télé de 34 ans, a ainsi décidé de reporter son achat après des mois de recherches infructueuses. Il demeurera locataire le temps que le marché se calme.

«On s'est sentis vraiment bousculés, a-t-il confié. Chaque fois qu'on arrivait à un endroit, il fallait prendre une décision ultrarapide, sinon il y avait six offres plus hautes que le prix demandé.»

Plusieurs autres jeunes adultes à la recherche d'une propriété, dans la fin vingtaine ou le début de la trentaine, ont partagé leurs états d'esprit avec La Presse Affaires au cours des dernières semaines. La plupart vivent un stress intense mêlé de découragement.

Attention!

Michel Beauséjour, chef de la direction de la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM), reconnaît que le phénomène de la surenchère a pris une ampleur considérable dans les quartiers centraux. Mais la tendance «va se calmer» avec la remontée des taux hypothécaires déjà entamée, fait-il valoir.

En entrevue récemment à La Presse Affaires, M. Beauséjour a néanmoins invité à faire preuve de prudence au moment de déposer une offre d'achat plus élevée que le prix demandé.

«Si le propriétaire et son agent ont déterminé que le duplex vaut 400 000$, et que je suis obligé de payer 475 000$ en raison d'une surenchère, là je viens de payer 75 000$ de plus que la valeur marchande, a-t-il illustré. Si je veux le revendre dans deux ans, je n'obtiendrai pas 475 000$, mais peut-être 425 000$. Et ça, c'est dangereux.»

Quelque 604 propriétés se sont vendues au-delà du prix demandé dans l'île de Montréal entre janvier et avril. Cela se compare à 172 pendant la même période l'an dernier (marquée par un ralentissement), et 246 en 2008. Environ 6% des acheteurs ont surenchéri par plus de 5000$, le triple des deux années précédentes, indiquent les données compilées par la CIGM.

Par arrondissement, Rosemont-La Petite-Patrie tient le haut du pavé avec 22% de transactions conclues à un prix supérieur à celui affiché depuis le début de l'année. Suivent Outremont (17%), le Plateau-Mont-Royal (16%), Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (14%), Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension (13%), le Sud-Ouest (13%), Ahuntsic-Cartierville (11%) et Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (10%).

Pendant la même période de quatre mois, en 2009 et en 2008, aucun arrondissement n'avait dépassé la barre des 10% de ventes « surenchéries «.

Embouteillage

La surchauffe des derniers mois s'explique par un embouteillage sur le marché immobilier, en quelque sorte. D'un côté, des milliers de Montréalais qui avaient repoussé leur décision d'achat en raison de la crise financière de 2008-2009 ont recommencé à chercher une maison. Et de l'autre, de nombreux acheteurs ont devancé leur achat pour profiter des taux d'intérêt historiquement bas pendant les premiers mois de 2010.

Ajoutez à cela un stock de maisons à vendre en baisse de 20% depuis un an, et tous les ingrédients sont réunis pour un marché très favorable aux vendeurs. Donc propice aux guerres de prix.

Le prix médian des unifamiliales a atteint 250 000$ (+9%) dans le Grand Montréal le mois dernier, contre 210 000$ pour celui des condos (+10%) et 375 000$ pour celui des plex (+9%). Dans l'île de Montréal, le prix médian des maisons s'est établi à 332 500$ (+13%), celui des condos, à 240 250$ (+8%) et celui des plex, à 393 750$ (+10%), indiquent les données de la CIGM.