La sortie de crise reste lointaine pour l'immobilier commercial aux États-Unis alors que les loyers et la valeur des biens devraient continuer à reculer cette année, la reprise n'étant attendue au plus tôt qu'en 2011 par les experts.

«Le marché de l'immobilier commercial continue à pâtir d'une des plus profondes récessions depuis des décennies», constate le cabinet de conseil Deloitte dans une enquête publiée mercredi, alors que la hausse du chômage a entraîné une moindre demande d'espaces de bureaux, de boutiques et d'entrepôts.

«Les taux d'occupation vont continuer à reculer et beaucoup de propriétaires d'immeubles commerciaux vont devoir faire davantage de concessions sur les loyers», renchérit Lawrence Yun, économiste de l'association américaine des agents immobiliers (NAR), dans une étude récente.

La NAR prévoit une augmentation du taux d'inoccupation des bureaux à 17,6% fin 2010 contre 16,3% fin 2009 ainsi qu'une baisse de 7% des loyers de bureaux cette année, après -12% l'an dernier.

L'association anticipe aussi un taux d'inoccupation des boutiques quasi stable à 12,7% fin 2010 comparé à fin 2009, un taux qui pourrait se maintenir en 2011. Les loyers des boutiques devraient s'effriter de 2,4% cette année après un repli de 4% l'an dernier, anticipe la NAR.

Depuis début 2007, la valeur des biens immobiliers et des loyers commerciaux a chuté de plus de 40%.

Sur ces tendances se greffent de grandes variations locales, remarque Kenneth McCarthy, directeur de la recherche pour New York du groupe immobilier Cushman and Wakefield.

C'est à New York et à Washington, capitales économique et politique des États-Unis, que la reprise est la plus proche, comparé à d'autres villes plus touchées par la crise immobilière et «toujours sous pression» comme Phoenix, Miami ou Detroit, détaille-t-il.

Malgré cela, il n'y a guère de pâté de maison à Manhattan sans boutiques vides flanquées de panneaux «à louer», même si M. McCarthy juge que le marché new-yorkais des boutiques «ne se détériore plus».

Il fait aussi valoir que beaucoup de propriétaires d'immeubles ou de biens immobiliers commerciaux préfèrent garder leurs biens inoccupés plutôt que de les vendre ou de brader les loyers, car ils veulent croire en une reprise prochaine dans des villes comme New York.

Sur l'ensemble des États-Unis, la détérioration attendue de l'immobilier commercial inquiète les autorités fédérales, comme l'a souligné mercredi Elizabeth Duke, l'un des gouverneurs de la Réserve fédérale: «la détérioration des prêts immobiliers commerciaux reste la plus grande inquiétude de la communauté bancaire», a-t-elle affirmé.

Un rapport parlementaire publié en février soulignait qu'entre 2010 et 2014, environ 1400 milliards de dollars de prêts immobiliers commerciaux arriveraient à échéance et que la moitié d'entre eux valaient désormais plus cher que les biens pour l'achat duquel ils ont été souscrits.

La NAR entrevoit toutefois une embellie de l'immobilier commercial aux États-Unis l'an prochain grâce à un rebond attendu de l'emploi et de la confiance, qui devrait doper la demande de bureaux et d'entrepôts et de boutiques.

Mais beaucoup d'experts se montrent plus pessimistes. Près des deux tiers des dirigeants sondés par Deloitte estiment qu'une reprise totale du marché prendra deux à trois ans, 29% d'entre eux tablant sur quatre ans ou plus.

M. McCarthy estime de son côté qu'il faudra deux à trois ans pour que l'immobilier commercial retrouve ses niveaux de 2006-2007 en termes de loyers et de prix des biens.

Pour l'heure, «les dirigeants des groupes immobiliers commerciaux évaluent leurs options, déterminent si l'heure est de nouveau à l'investissement pendant que les prix restent bas et avant que les taux d'intérêt rebondissent», conclut l'étude de Deloitte.