Avis aux propriétaires immobiliers et à ceux qui envisagent de devenir propriétaire: le bar ouvert hypothécaire tire à sa fin.

La Banque du Canada n'a pas touché aux taux d'intérêt hier, elle qui a promis de ne pas hausser son taux directeur de 0,25% - le plus bas de l'histoire du pays - jusqu'en juillet prochain. Certains économistes croient toutefois que la vigueur de l'économie forcera la Banque du Canada à briser son engagement pris en avril 2009 et à hausser les taux d'intérêt avant le début des vacances estivales.

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«Cet engagement a été pris au milieu de la pire crise du crédit depuis les années 30. Depuis, la Banque du Canada fait la sourde oreille face à l'amélioration du marché du crédit», dit Stéfane Marion, économiste en chef de la Banque Nationale, qui prévoyait une hausse de 0,25% du taux directeur de la Banque du Canada hier.

«La Banque du Canada signale qu'une hausse des taux pourrait avoir lieu plus tôt que les prévisions des marchés. En ce qui me concerne, la hausse pourrait avoir lieu dès maintenant», dit Derek Holt, économiste à la Banque Scotia.

Stéfane Marion comprend la Banque du Canada de vouloir tenir parole, mais son honnêteté pourrait faire monter les taux d'intérêt en flèche durant la deuxième moitié de l'année. La banque centrale du pays se donne la possibilité de hausser son taux directeur à chaque période de six semaines.

«Plus longtemps tu attends et tu t'entêtes à tenir tes engagements, plus les taux monteront rapidement, dit Stéfane Marion. La Banque du Canada n'a pas bougé son taux hier, mais elle a reconnu que l'économie est plus vigoureuse. Ça met la table pour des hausses de taux en deuxième moitié de l'année, et ne vous attendez pas à des hausses de 25 points de base (0,25%). La Banque du Canada n'a jamais pris l'engagement de monter les taux de façon modérée.»

Alors que la Banque Nationale prévoyait six hausses de 25 points de base d'ici la fin de l'année, la Banque Laurentienne table plutôt sur trois hausses de 50 points à l'automne. «Les premières hausses de taux vont être agressives, dit Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne. 50 points de base, c'est le minimum.»

À la fin de l'année, les deux institutions financières québécoises arrivent au même résultat: un taux directeur de 1,75%. Les taux hypothécaires variables affichés par les institutions financières, qui suivent habituellement le taux directeur de la Banque du Canada, pourraient ainsi augmenter de 1,50%. Les taux fixes fermés tiennent déjà compte des scénarios de hausses éventuelles, mais ils pourraient augmenter eux aussi si les hausses de la Banque du Canada sont plus importantes que prévu.

Devant tous ces scénarios, l'économiste Mathieu D'Anjou, du Mouvement Desjardins, suggère aux propriétaires qui le peuvent de geler leur taux hypothécaire pour une période de cinq ans. «Il n'y a pas de panique, mais c'est un bon moment pour geler son taux variable, dit-il. Il n'y a pas vraiment de raison d'attendre.»

Le conseil de Mathieu D'Anjou est d'autant plus révélateur que le Mouvement Desjardins est l'institution financière québécoise qui prévoit les hausses de taux les plus modestes. Selon les économistes de Desjardins, non seulement la Banque du Canada attendra à l'automne mais elle haussera son taux directeur de seulement 0,50% en 2010. «La Réserve fédérale américaine ne prévoit pas de hausses avant un bon bout de temps, peut-être même avant la fin de l'année, dit Mathieu D'Anjou. La Banque du Canada ne voudra pas bouger trop avant la Fed, car elle ne veut pas que le dollar canadien s'apprécie trop.»

Les propriétaires immobiliers qui ne gèlent pas leur hypothèque font-ils une grave erreur? Pas nécessairement. «On va passer de taux exceptionnellement bas à des taux bas», dit Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne.