Certaines affirmations du ministre des Finances, Jim Flaherty, laissent croire que le gouvernement fédéral s'apprête à resserrer les règlements sur l'accessibilité aux hypothèques dans le but d'éviter une bulle immobilière, mais des analystes l'exhortent à faire preuve de prudence dans ce dossier.

«Le principal risque est d'en faire trop, et de pratiquement paralyser ou ralentir significativement le marché de l'habitation», a prévenu Benjamin Tal, économiste principal de la Banque CIBC, dans un entretien.

«C'est un risque dont il faut tenir compte, parce que le marché de l'habitation contribue très grandement à la croissance économique d'ensemble, et la reprise que nous connaissons est toujours très fragile.»

M. Tal réagissait ainsi aux commentaires faits par le ministre Flaherty dans un entretien préenregistré pour le réseau CTV. Dans cette interview, qui soit être diffusé le week-end prochain, M. Flaherty s'inquiète du niveau d'endettement des Canadiens dans un contexte où les taux d'intérêt sont à un niveau historiquement faible - ce qui pourrait entraîner diverses complications lorsque les taux reprendront leur ascension.

Ces dernières semaines, la Banque du Canada a indiqué que la dette record affichée par les ménages représentait le principal risque pour le système financier canadien, un avertissement répété la semaine dernière à Toronto par le gouverneur de la banque centrale, Mark Carney.

Même si elle a précisé que le risque au système banquier canadien restait plutôt faible, la Banque du Canada s'est dite inquiète de la possibilité que jusqu'à 10% des ménages éprouvent des difficultés avec leurs paiements mensuels lorsque les taux d'intérêt retrouveront leurs niveaux normaux.

Lors de son passage à l'émission Question Period, du réseau CTV, le ministre Flaherty a indiqué qu'une des choses que le gouvernement ferait probablement serait d'augmenter la mise de fonds initiale pour les hypothèques résidentielles, la faisant passer de cinq% à «un chiffre plus élevé».

Le gouvernement pourrait aussi réduire la période d'amortissement, actuellement d'un maximum de 35 années, à un niveau «moindre», a-t-il affirmé.

Selon Gary Siegle, gestionnaire régional à Calgary pour le courtier hypothécaire national Invus, tout resserrement, soit des mises de fonds ou de la période d'amortissement, aurait «assurément» un impact sur le marché.

«C'est simplement une question de mathématiques; certaines personnes admissibles aujourd'hui ne le seraient plus si ces changements survenaient», a-t-il expliqué.

M. Siegle aimerait bien savoir quels genres de chiffres Ottawa a en tête. «Ça serait vraiment bien s'ils haussaient (la mise de fonds) à 7,5% plutôt qu'à 10% - une solution de compromis, simplement pour ne pas avoir un impact trop important sur le marché.»

Mais le gestionnaire croit aussi qu'il est compréhensible que le gouvernement s'inquiète des effets qu'auront les hausses de taux.

«Pratiquement tout le monde s'entend pour dire que la question n'est pas de savoir si (les taux vont grimper), mais quant ils le feront», a-t-il illustré.

«Alors lorsque les gens contractent des hypothèques de 200 000 $, 300 000 $ ou 400 000 $ (...) comment vont-ils s'ajuster lorsque viendra le temps de la renouveler?»

«En plus de 30 ans de carrière, j'ai vu des taux dans la fourchette des 20%. Je ne crois pas que nous allons nous y retrouver de nouveau, mais même si les taux atteignaient huit pour cent, qu'arriverait-il aux personnes pour qui cela sera le double de leur taux d'intérêt actuel?»

L'effet d'une réduction de la période maximale d'amortissement serait plus difficile à évaluer. La dernière fois qu'un changement est survenu à ce chapitre, la période avait été réduite de cinq ans à 35 ans. «Ce n'était probablement pas significatif parce que peu de personnes choisissaient 40 ans et ce n'était pas une possibilité depuis si longtemps», a noté M. Siegle.

Par ailleurs, Benjamin Tal s'est consolé du fait que M. Flaherty n'ait pas été précis quant à l'importance des changements évoqués, ce qui lui fait croire que le gouvernement est plus inquiet pour les 12 prochains mois et qu'il ne s'agit que d'un avertissement prudent.

«En conséquence, je ne m'attends pas à un énorme changement (qui aurait) un impact déraisonnable et inutile», a-t-il indiqué.