La construction résidentielle a repris durant l'été. La revente des maisons atteint des sommets cet automne. Pourtant, Desjardins a lancé hier cet avertissement: la relance du marché de l'habitation repose sur des bases fragiles.

L'entrepreneur Gilles Stébenne conduisait son monte-charge quand on l'a joint hier. Puis, les affaires? «Ça va très, très bien», lance-t-il.

Quand on lui demande d'expliquer un peu, il parle de ses 12 ventes réalisées dans le dernier mois, de grandes maisons de Saint-Hubert dont le prix frôle le demi-million.

Si l'automne a vu entrer sa série de contrats, on se rend compte en grattant un peu que l'ensemble de 2009 n'a pas été aussi faste: une quinzaine de livraisons, contre 25 habituellement, concède M. Stébenne. «L'automne dernier puis ce printemps ont été faibles», souligne-t-il.

Dans une note publiée hier, l'économiste senior de Desjardins, Hélène Bégin, rappelle que la construction neuve a fléchi de plus de 10% cette année au Québec, dont 28% à Montréal pour l'unifamiliale. «Ce n'est pas un effondrement comme on en a vu dans les cycles précédents», prend-elle soin de préciser.

L'Indice de l'habitation de Desjardins (IHD), qui trace un portrait de la force du secteur, a quand même reculé au mois d'octobre, apprenait-on hier. Son premier recul depuis novembre de l'an passé.

«Bien que les taux hypothécaires demeurent faibles, les difficultés persistent sur le marché du travail, écrit Mme Bégin. Le taux de chômage, à 8,5% en octobre, reste relativement élevé en dépit de la timide création d'emplois.»

Faut-il en déduire que la reprise du secteur résidentiel est en péril? demande Mme Bégin. Et elle répond. «Non, mais le recul de l'IHD (Indice de l'habitation Desjardins) en octobre rappelle tout simplement que la relance du marché de l'habitation repose sur des bases fragiles.» Autrement dit, il faudra qu'il se crée des emplois au Québec pour que les ménages achètent des maisons.

Patrick Varin, le grand patron d'Habitations Saint-Luc, ne voit pas de fragilité dans ses chiffres: hausse de 12% du nombre d'unités vendues cette année par rapport à l'an dernier et comme elles sont plus haut de gamme, son chiffre d'affaires a bondi de 25%, dit-il. «J'entends partout qu'il y a un ralentissement, mais nous, on est en hausse par rapport à l'an dernier.»

Il s'attend à vendre entre 200 et 250 unités cette année. Autour de 2005, il pouvait en vendre entre 300 et 400, mais des moins chers, précise-t-il.

Desjardins s'attend à ce que le nombre de mises en chantier, qui a frôlé les 48 000 en 2008, descende à 42 000 cette année pour remonter à 46 000 l'an prochain.

Et la revente?

Pour la revente, la coopérative de Lévis s'attend à 80 000 transactions, soit environ le niveau de 2008 (contre 78 000 cette année). Les prix, eux, devraient continuer à croître. Après avoir monté de 3,8% à 219 000$ cette année, le prix moyen devrait encore augmenter de 5,5% à 231 000$ en 2010.

«Maintenant que les ventes ont terminé leur phase de récupération, la demande pourrait plafonner jusqu'à ce que le marché du travail s'améliore», explique encore l'économiste de Desjardins.

À Saint-Jérôme, l'entrepreneur Jean-François Charron attend 2010 pour voir le secteur résidentiel prendre du mieux. Il devait fournir la structure d'acier d'un complexe de condos après les vacances de la construction cet été, mais le projet n'a pas levé de terre. «Je pense que ce n'est pas facile, il commence à y avoir une saturation», explique le propriétaire d'Entreprises Yves Lanthier.

A-t-il une idée du moment où la construction débutera? «Aucune idée», dit-il franchement. Il se rabat donc ces temps-ci sur les constructions industrielles et commerciales.

 

 

Aline Dugas a 65 ans. Elle a élevé ses deux enfants dans l'île Bélair Est, à Rosemère. Au début des années 2000, elle a troqué le gazouillis des oiseaux contre le bruit des voitures dans l'île de Montréal, d'abord dans un logement à Outremont et, depuis 2004, dans un condo du Plateau Mont-Royal. «Montréal est un paradis pour la marche, explique-t-elle. Plus besoin de s'inscrire au gym!» C'est un nouvel emploi au centre-ville qui l'a amenée à Montréal avec son conjoint, Albénie Doiron. Elle en avait marre de l'autoroute. Et la maison était devenue trop grande avec le départ des enfants. Le cas du couple Dugas-Doiron est loin d'être une exception. Entre 2001 et 2006, note l'économiste de Desjardins Hélène Bégin, le nombre de ménages vivant dans un condo a augmenté de près de 50% au Québec. La cause? «La forte demande des 55 ans et plus», souligne Hélène Bégin. Les deux enfants du couple, eux, sont retournés dans la couronne nord après leurs études à Montréal. «C'est pour les enfants», note la grand-mère, qui trouve quand même le temps de faire sa ronde de gardiennage de temps à autre.