Les Américains recommencent discrètement à acheter des maisons neuves. Mais le secret reste bien gardé: même leurs fournisseurs canadiens ne sont pas au courant.

En juin, les ventes de maisons neuves ont pourtant augmenté pour le deuxième mois consécutif aux États-Unis, cette fois de 11%. Il s'agit de la plus importante hausse mensuelle depuis décembre 2000.

«Je suis surpris d'antendre ça», dit Maxime Gendreau, directeur du marketing de Garaga, fabricant de portes de garage de Saint-Georges-de-Beauce.

Selon le département du Commerce, les Américains achètent 384 000 nouvelles maisons sur une base annuelle en se basant sur les chiffres de juin, par rapport à 346 000 nouvelles maisons en se basant sur les chiffres du mois précédent. En juin, 36 000 maisons neuves ont été vendues au prix moyen de 276 900$. Environ 16 000 étaient déjà construites, 10 000 maisons étaient en construction et 10 000 n'existaient encore que sur plans.

Bien réelle dans les livres du département du Commerce, cette timide reprise du marché immobilier américain ne se manifeste pas encore dans les carnets de commandes de Garaga. «Nous ne voyons pas de signes de reprise pour l'instant, mais c'est vrai que notre produit s'installe à la fin du cycle de construction», dit Maxime Gendreau.

Même son de cloche du côté du fabricant de baignoires MAAX, qui a pu compter sur une demande relativement stable au Canada durant la récession afin de compenser pour ses difficultés aux États-Unis. «Il y avait une baisse depuis 2005, mais ça s'est stabilisé depuis le mois de mai, dit Mark Bandrauk, conseiller juridique principal de MAAX. C'est toutefois trop tôt pour spéculer sur une reprise. Les Américains partent de tellement loin, les effets d'une reprise ne se feront pas sentir immédiatement.»

Avant la crise immobilière, 70% du bois produit dans les scieries de Domtar prenait le chemin des États-Unis. Aujourd'hui, les marchés canadien et américain se partagent le bois de Domtar à parts égales. «Nos activités forestières et nos scieries ne fonctionnent qu'à 50% de leur capacité», rappelle Pascal Bossé, vice-président des communications de Domtar.

Les économistes suggèrent aux Domtar, MAAX et Garaga de ce monde de ne pas célébrer trop vite la reprise du marché immobilier américain. Soit, la hausse des ventes de maisons neuves de 11% est spectaculaire - la plus importante en neuf ans! - mais, à long terme, elle reste négligeable. Depuis un an, la vente des maisons neuves a chuté de 21%. Le sommet historique de 1,4 million de maisons neuves vendues, établi en juillet 2005 en pleine bulle immobilière, semble hors de portée. «Nous sommes environ au quart de ce sommet historique, ce qui démontre l'ampleur de la crise immobilière et de la récession», dit Avery Shenfeld, économiste en chef de la Banque CIBC.

Cet immense écart ne tracasse pas l'économiste de BMO Groupe financier Jennifer Lee, qui n'est pas fâchée d'assister à une reprise graduelle du marché immobilier américain. «Les banques ont appris leur leçon, elles resserrent l'accès au crédit et elles demandent davantage de documentation avant de faire un prêt, dit-elle. Dans quelques années, le marché immobilier américain pourra peut-être revenir à des ventes annualisées de 1 million.»

En dépit de la hausse des ventes en juin, les entreprises québécoises qui dépendent du marché immobilier américain devront continuer de prendre leur mal en patience. Il reste actuellement 281 000 maisons neuves à vendre aux États-Unis - soit assez pour satisfaire les acheteurs durant les 8,8 prochains mois. «Il y a encore trop de maisons non vendues sur le marché, dit l'économiste Avery Shenfeld. Habituellement, il faut avoir seulement cinq ou cinq mois de stocks. Au moins, les chiffres montrent que le pire est passé, même si la reprise se calculera en années et non en trimestres.»