«Effondrement», «douche froide», «bien pire que prévu»: le recul des mises en chantier au Canada le mois dernier a estomaqué même les analystes les plus pessimistes.

Selon les chiffres publiés hier par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), le nombre désaisonnalisé de nouveaux projets résidentiels a dégringolé de 20% au pays entre mars et avril, à 117 400. Une hécatombe, disent en somme les experts.

 

«Cela est bien pire que la prévision moyenne des analystes, qui s'attendaient à 140 000, et ce sont les chiffres les plus bas depuis 1996», a indiqué l'économiste Ian Pollick, de TD Valeurs Mobilières, dans un rapport.

La chute draconienne provient surtout du recul des projets de logements multiples à Toronto. La construction a carrément piqué du nez en Ontario, au point où le nombre de mises en chantier (36 300) a glissé en dessous de celui du Québec (40 900), province pourtant beaucoup moins peuplée.

Le Québec, d'ailleurs, s'en tire mieux que la plupart des autres régions du pays, note la SCHL. Les mises en chantier ont baissé de seulement 7% en avril, après des hausses en mars et février.

Pourquoi un tel écart? «Le repli s'y est amorcé plus tôt, et le Québec est aussi relativement moins touché que les autres provinces par la présente conjoncture économique», a expliqué dans un rapport Kevin Hughes, économiste régional à la SCHL.

Le recul observé au Québec est surtout attribuable à la plus faible construction de maisons individuelles. Quelque 9700 fondations ont été coulées le mois dernier pour ce type d'habitation, 18% de moins qu'en mars.

Recul du PIB

Les chiffres publiés hier pour l'ensemble du pays n'augurent rien de bon, selon Hélène Bégin, économiste senior au Mouvement Desjardins. «La chute brutale des mises en chantier en avril au Canada indique que la récession est loin d'être terminée.»

La faiblesse du secteur de la construction continuera à tirer l'économie canadienne vers le bas pendant le deuxième trimestre, estime pour sa part Ian Pollick, de TD.

Il y a toutefois du positif. La baisse des mises en chantier -qui atteint 57% depuis le sommet de septembre 2007- devrait permettre de maintenir l'inventaire de maisons invendues à un niveau assez bas. «Une bonne chose en temps de récession», indique Ian Pollick.

Le rythme des mises en chantier devrait par ailleurs accélérer quelque peu d'ici la fin de l'année, prévoit la SCHL. Mais le nombre de fondations coulées demeurera loin du plancher de 200 000 unités construites chaque année depuis sept ans au pays.

«Les mises en chantier vont tendre davantage vers des niveaux qui cadrent avec la croissance démographique, actuellement estimés à 175 000 par année», souligne la SCHL.

À l'échelle québécoise, les mises en chantier ont bondi à Gatineau (plus de 100%) et à Trois-Rivières ("51%), mais elles ont reculé à Québec (-46%), Sherbrooke (-28%), Saguenay (-25%) et Montréal (-15%) par rapport à avril 2008.

Ailleurs au pays, les nouvelles constructions sont tombées à 11 700 en avril en Colombie-Britannique et à 12 400 en Alberta.

Le nombre désaisonnalisé de mises en chantier a presque fondu de moitié dans l'ensemble du Canada depuis un an, passant de 217 000 à 117 400.