Sa start-up s'approche d'une valeur de 1 milliard, mais il la voit bien plus grosse encore. Entrevue avec Frédéric Lalonde, cofondateur et PDG de Hopper, la populaire application qui prédit les prix des billets d'avion.

Il y a deux ans, vous avez entrepris d'accélérer le développement de Hopper à l'échelle mondiale. Où en êtes-vous dans votre processus d'expansion internationale ?

Hopper a été créée il y a dix ans, et notre application est fonctionnelle depuis maintenant trois ans. Elle peut prédire le meilleur prix pour des billets d'avion un an d'avance. On fait des affaires dans 120 pays, mais au cours de la dernière année, on a haussé de 100 % nos volumes de transactions en Europe, en Australie et en Amérique latine. Ces trois régions représentent aujourd'hui 25 % de nos activités, alors que l'Amérique du Nord génère encore 75 % de nos volumes de transactions.

On est l'application mobile de voyage numéro un en Amérique du Nord, et on devance maintenant Expedia, Kayak et les autres.

Hopper a été téléchargée plus de 30 millions de fois. On totalise plus de 60 millions de voyages en avion qui ont été réservés à partir de notre site.

Au cours de la dernière année, on a élargi notre application à la réservation de chambres d'hôtel.

On va atteindre dans les prochains mois la marque du milliard de dollars de produits vendus par notre plateforme, et ce n'est qu'un début.

Quels sont les grands objectifs de développement de marché que vous vous êtes fixés et que vous jugez être en mesure d'atteindre à court et à moyen terme ?

On va bientôt atteindre la marque du milliard de dollars de billets réservés par Hopper, mais on estime que notre application est en mesure de générer jusqu'à 17 milliards de dollars de transactions par année.

Pour l'instant, les réservations d'hôtels ne représentent que 2 % du volume total de Hopper. Idéalement, on souhaite que les activités hôtelières représentent 50 % de notre volume de transactions.

On ne fait que débuter dans ce domaine avec 2000 hôtels dont on peut prédire le prix des chambres. Notre but est de rejoindre plus de 100 000 hôtels dans les villes du monde entier.

Il y a deux ans, vous avez réalisé un financement important de 80 millions pour orchestrer votre expansion internationale. Est-ce que vous prévoyez solliciter à nouveau vos investisseurs privés pour une nouvelle ronde de financement ?

On va devoir réaliser une nouvelle ronde de financement pour pousser plus loin notre développement commercial à l'international. On va devoir notamment ouvrir des bureaux dans certains pays-clés pour y avoir une présence physique.

Nos actionnaires nous suivent. Ils sont presque tous canadiens. Le fonds [montréalais] spécialisé Brightspark est le plus important actionnaire parce qu'il est là depuis le premier de nos trois financements. La Caisse de dépôt, Omers, Investissement Québec, la Banque de développement du Canada et le fonds américain Accomplice sont nos autres principaux investisseurs.

La prochaine ronde de financement devrait accorder une valorisation de Hopper à près de 1 milliard de dollars.

Est-ce que vous préparez, en parallèle, un premier appel public à l'épargne ?

On va éventuellement réaliser un premier financement public, mais on préfère retarder le plus possible cette éventualité. On est capables d'aller chercher notre financement avec nos actionnaires qui sont patients. D'autres gros joueurs, comme Spotify, Airbnb, Dropbox, font pareil.

J'aimerais que Hopper soit valorisée à 10 milliards de dollars lorsqu'on réalisera une première émission d'actions publiques. Ce serait merveilleux qu'une entreprise québécoise de technologie atteigne cette taille pour faire son entrée en Bourse.

Avez-vous eu des offres d'achat de la part de compétiteurs qui voudraient profiter de votre forte croissance ?

Oui, on a eu plusieurs offres de la part de concurrents, dont Airbnb, mais on n'est pas à vendre. Nous, on veut développer une entreprise de technologie à propriété québécoise et canadienne. On ne veut pas devenir la filiale d'une entreprise étrangère.

Vous militez beaucoup pour que le Québec développe sa propre identité technologique et ne se retrouve pas à la merci des géants étrangers. Vous avez cosigné une lettre la semaine dernière, avec d'autres PDG d'entreprises de technologie, pour demander aux partis politiques québécois de mettre fin à la politique des crédits d'impôt à l'industrie du multimédia. Vous voyez cela comme une vraie menace ?

J'ai signé la lettre parce que cette politique n'a plus sa raison d'être. On n'a plus besoin de subventionner des emplois dans le secteur des technologies parce qu'on est en situation de plein emploi.

On nous considère encore comme un secteur économique, semblable au manufacturier, au commerce de détail, à l'agriculture. Mais les technologies sont partout, dans tous les secteurs économiques, ce n'est pas un secteur en soi.

Si on veut accompagner les Couche-Tard de ce monde dans leur révolution numérique, ça prend des entreprises d'ici pour le faire. Là, les gouvernements au Québec subventionnent des emplois de sous-traitance pour des entreprises étrangères - Google, Microsoft, Ubisoft... - plutôt que de créer un bassin de talents qui va permettre à nos entreprises de bien réaliser la numérisation de leurs activités.

Si demain on abolissait les crédits d'impôt et que toutes les entreprises étrangères qui en profitent décidaient de cesser leurs activités au Québec, tous les travailleurs touchés se trouveraient un job en l'espace de quelques semaines. Au Québec, on est en déficit de 30 000 emplois de technologie. Ce n'est pas l'emploi qui manque, cessons donc de le subventionner.

Capture d'écran de l'application Hopper

L'application Hopper prédit les prix des billets d'avion.