Profitant d'un cycle économique extrêmement favorable et d'une économie mondiale très bien synchronisée, l'agence Exportation et développement Canada (EDC) a eu une année record en 2017 en réalisant des engagements financiers de plus de 100 milliards de dollars tout en enregistrant un bénéfice net de 1 milliard. « Au-delà de la profitabilité, nous avons surtout aidé un nombre record d'entreprises canadiennes à réaliser des affaires à l'étranger, et c'est ça, notre mandat », insiste Benoit Daignault, PDG d'EDC.

EDC est une société d'État qui a été mise sur pied il y a 73 ans pour soutenir le rayonnement des entreprises canadiennes à l'étranger.

Cet organisme de crédit à l'exportation agit de façon indépendante du gouvernement fédéral en proposant des solutions d'assurances et de financement ainsi que des garanties de prêts tant aux entreprises canadiennes exportatrices qu'à leurs clients internationaux.

« Plusieurs pensent encore qu'EDC est un organisme subventionnaire qui opère à perte et qui prend des risques en offrant des cautionnements à des clients d'entreprises exportatrices canadiennes.

« Contrairement à bien des organismes de crédit à l'exportation qui profitent de subventions gouvernementales pour opérer, nous, on est financièrement autonomes. On touche des intérêts sur les prêts que l'on réalise et des primes sur nos produits d'assurances », précise d'entrée de jeu Benoit Daignault.

À telle enseigne qu'EDC - qui peut compter aujourd'hui sur des actifs de 60 milliards, dont 9 milliards de bénéfices non répartis - a été en mesure de livrer, pour l'exercice 2017, un respectable dividende de 969 millions au gouvernement fédéral.

L'agence canadienne a soutenu l'an dernier pour plus de 100 milliards de projets d'exportation réalisés par 9398 entreprises canadiennes, contre 7100 l'année précédente.

« Depuis deux ans, on fait des efforts importants auprès des PME canadiennes pour qu'elles augmentent leurs ventes ou leurs investissements à l'étranger. Les PME représentent aujourd'hui 80 % de notre volume d'affaires », se réjouit Benoit Daignault.

Le PDG d'EDC souligne que 50 000 des 150 000 PME canadiennes sont déjà actives sur les marchés étrangers et qu'une autre tranche de 50 000 PME aspirent elles aussi à rayonner à l'extérieur du Canada. C'est cette clientèle que l'organisme veut favoriser.

DÉBORDER DES ÉTATS-UNIS

Si 70 % des exportations canadiennes prennent le chemin des États-Unis, seulement 40 % des interventions d'EDC se réalisent sur le marché américain.

« Nos liens avec les États-Unis existent depuis longtemps. Beaucoup d'entreprises ont développé d'autres façons de financer leurs activités là-bas. Nos interventions se sont diversifiées, notamment dans les pays émergents qui représentent aujourd'hui 30 % de toutes nos activités de financement », observe Benoit Daignault.

C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'EDC a inauguré l'an dernier à Singapour son premier pôle financier autonome à l'étranger. C'est à partir de ce nouveau bureau, qui a autorisé 13 prêts totalisant 728 millions l'an dernier, que toutes les interventions en Asie sont désormais coordonnées.

« Après les États-Unis et le Canada, c'est en Angleterre, au Brésil, au Mexique, en Inde et en Australie que l'on est le plus actif. Mais l'Asie reste définitivement le marché porteur de l'avenir. » - Benoit Daignault

Les activités de cautionnement de prêt ont accaparé près de 60 milliards du budget d'EDC en 2017, alors que les activités de financement ont totalisé 28 milliards. L'investissement canadien direct à l'étranger a par ailleurs atteint la marque record des 14,3 milliards pour la société.

BOMBARDIER, UN BON CLIENT

Les Québécois connaissent surtout EDC comme partenaire financier de Bombardier Aéronautique. La société d'État peut financer jusqu'à 85 % du coût d'un aéronef pour les clients de la multinationale montréalaise.

Au cours des 10 dernières années, EDC a ainsi financé pour près de 18 milliards d'achats d'appareils de Bombardier pour une multitude de compagnies aériennes et de clients privés.

« Bombardier a toujours représenté une activité très payante pour EDC. Au fil des ans, on a eu très peu de reprises d'appareils, et quand cela s'est produit, on a été en mesure de les remettre en vente », explique Benoit Daignault.

Récemment, coup sur coup, EDC a eu maille à partir avec deux clients sud-africains qui ont fait affaire avec Bombardier ; les deux contrats litigieux sont liés à la famille Gupta, qui était proche de l'ancien président sud-africain Zuma et qui est accusée aujourd'hui de corruption.

La famille Gupta a été prise en défaut de paiement sur un avion d'affaires Global 6000 qu'elle avait acquis au coût de 52 millions US et qui avait été financé en partie par EDC.

« Et, plus récemment, c'est la société ferroviaire sud-africaine Transnet, dans laquelle était encore associée la famille Gupta, qui a mis un frein sur une commande de 1,2 milliard US pour l'achat de 240 locomotives, prétextant que les prix avaient été artificiellement gonflés », indique Benoit Daignault.

« Dans les deux cas, EDC a agi comme intermédiaire financier entre un acheteur et un vendeur. Dans le cas du jet d'affaires, on a repris le crédit-bail et on va revendre l'avion.

« Pour le contrat des locomotives, le gouvernement a découvert des anomalies dans l'organisation de la société d'État sud-africaine Transnet et on a décidé de suspendre les livraisons, le temps qu'une enquête soit complétée. S'il n'y a pas de livraisons de locomotives, on va récupérer notre financement », indique le PDG d'EDC.

EN BREF

Benoit Daignault

Originaire de Laval, Benoit Daignault a fait ses études en finances à HEC Montréal et a obtenu le titre d'analyste financier agréé.

Il a par la suite toujours travaillé dans le domaine financier, d'abord au Montréal Trust, puis chez Scotia McLeod, à la Banque Nationale et chez GE Capital, tant au Canada qu'aux États-Unis.

Il s'est joint à EDC il y a 15 ans à titre de premier vice-président, Développement des affaires, avant de devenir premier vice-président, Financement et Investissements. Il est PDG depuis 2014 et, à 55 ans, il a décidé de ne pas renouveler son mandat en février prochain.

« À 55 ans, après avoir été associé durant 15 ans à EDC, j'ai le goût de passer à autre chose, de revenir dans le privé. Je vais prendre une pause de six mois avant de décider quoi que ce soit », précise le PDG.

Non, il n'a pas l'intention de suivre les traces de son prédécesseur, Steven Poloz, qui, après avoir présidé EDC, a été choisi pour devenir le gouverneur général de la Banque du Canada.