Jean-Marc Eustache, PDG de Transat A.T., aura 70 ans le 13 janvier prochain et après 40 années à oeuvrer à la consolidation de son entreprise comme principale société de tourisme intégrée au Canada, l'entrepreneur prépare son départ du groupe qu'il a cofondé. Pas avant, toutefois, d'avoir bien mis en place les fondations d'une toute nouvelle division consacrée à la propriété et à la gestion hôtelière.

Le Groupe Transat soulignait en grande pompe, hier en début de soirée, ses 30 ans d'existence à titre de société publique ainsi que le premier vol d'Air Transat - en direction d'Acapulco - qui s'est déroulé le 14 novembre 1987.

Quelque 375 partenaires et invités de Transat A.T. avaient été conviés à une cérémonie dans les installations du groupe à proximité de l'aéroport Montréal-Trudeau, durant laquelle on a dévoilé la nouvelle livrée de la flotte de l'entreprise.

Si c'est en avril 1987 que Transat a réalisé une première émission d'actions de 8,5 millions, qui lui a permis de lancer sa propre division de transport aérien, le groupe existait depuis 1978 à titre de voyagiste, via ses filiales Tourbec et Trafic Voyages.

« On a créé Air Transat avec un Lockheed 1011, en novembre 1987, et un deuxième appareil quelques mois plus tard. On n'avait pas le choix. Notre transporteur Quebecair avait fait faillite et on n'avait aucune alternative pour transporter nos clients », rappelle Jean-Marc Eustache.

Aujourd'hui, la flotte d'Air Transat compte jusqu'à 49 appareils en période de pointe l'hiver. Des A-310, des A-330 et des 737-800 qui seront progressivement remplacés par des A-320 Néo au cours des quatre prochaines années.

« On va avoir une flotte exclusivement composée d'Airbus, ce qui va faciliter grandement la vie de nos pilotes qui vont pouvoir passer d'un appareil à l'autre. » - Jean-Marc Eustache

Une polyvalence toute à l'honneur de ce PDG à la tête d'une grande entreprise de tourisme et de transport aérien, mais qui avoue très rarement voyager en raison de sa peur de l'avion.

Jean-Marc Eustache n'aime pas voyager, mais il aime faire voyager les autres. C'est une industrie qui le passionne parce qu'elle est toujours en mouvement et qu'il faut toujours s'adapter, de saison en saison et selon les conditions changeantes du marché.

Autre particularité, Jean-Marc Eustache lit les grandes entrevues de La Presse Affaires dans l'édition papier du samedi parce qu'il n'a pas d'ordinateur, pas d'iPad ni téléphone cellulaire...

BIEN GÉRER LES LIQUIDITÉS

Si Transat A.T. a terminé sa première année financière en 1987 en affichant des revenus de 23 millions, elle enregistre aujourd'hui un chiffre d'affaires de l'ordre de 3 milliards.

Au cours des 30 dernières années, Transat a pris de l'expansion en réalisant des acquisitions et en développant elle-même ses activités dans les secteurs des forfaits voyage à partir de 21 aéroports canadiens, de la distribution de produits dans une cinquantaine de pays ; en transportant 4,5 millions de passagers par avion chaque année ; et en exploitant des établissements hôteliers.

« On a toujours géré de façon prudente en portant une attention particulière à nos liquidités. À l'époque, on se faisait des réserves de liquidités de 50 millions, puis on a haussé à 100 millions. Aujourd'hui, on conserve une réserve pour éventualités de 150 millions. C'est pour ça qu'on n'a jamais demandé de l'aide à personne », explique Jean-Marc Eustache.

Les réserves de liquidités de Transat A.T. s'élevaient, en juillet dernier, à 580 millions. Un pactole important qui servira à financer la prochaine initiative du groupe de voyage.

« On a vendu l'an dernier notre division française Look et nos activités en Grèce. On a obtenu 91 millions, alors que plusieurs analystes affirmaient que cela ne valait rien.

« Cet été, on a vendu notre participation de 35 % dans la coentreprise Ocean Hotels, dans laquelle on avait investi 57 millions US en 2007.

« On voulait racheter notre partenaire espagnol, mais il a finalement préféré nous racheter. On a obtenu 157 millions US. Un bon rendement pour un investissement de 10 ans », constate avec un grand sourire Jean-Marc Eustache.

HÔTELLERIE ET NOUVELLE PDG

Le désinvestissement dans Ocean Hotels - une entreprise qui possédait trois hôtels au Mexique et en République dominicaine et qui gérait quatre établissements à Cuba - est loin de marquer la fin de Transat dans la gestion hôtelière. C'est plutôt le contraire.

Jean-Marc Eustache consacre maintenant tout son temps à la mise sur pied d'une nouvelle division hôtelière qui sera indépendante du groupe, avec sa propre équipe de direction, de vente, de marketing...

« C'est une activité très payante qui génère des marges de l'ordre de 40 %. On va soit acheter et rénover des propriétés existantes, soit acquérir des terrains et construire nos propres établissements ou encore gérer des hôtels pour des tiers. » - Jean-Marc Eustache

« J'ai délégué tous mes pouvoirs à notre nouvelle chef de l'exploitation, Annick Guérard, et c'est elle qui va me succéder à titre de PDG lorsque notre division hôtelière sera bien structurée », expose Jean-Marc Eustache.

Le cofondateur de Transat ne se donne pas d'échéancier précis. Le transfert de pouvoir pourra se faire d'ici 1 an, 18 mois ou 2 ans. Chose certaine, l'actuel PDG ne compte pas non plus conserver son titre de président du conseil.

« Quand je vais partir, je vais tout laisser. Je ne veux pas jouer à la belle-mère. J'aurai fait ce que j'ai à faire. J'ai toujours voulu transmettre l'entreprise, c'est ma reconnaissance envers la société qui m'a accueilli quand je suis arrivé au Québec à l'âge de 9 ans et que j'ai pu y faire ma vie », insiste-t-il.

En 30 ans, Jean-Marc Eustache a-t-il déjà songé à vendre Transat ?

« Il y a 10 ans, en 2007, on a eu une super offre qui nous valorisait à 1,2 milliard. C'était l'époque où notre action était à 40 $, mais quand même, c'était beaucoup d'argent.

« Mais on n'a jamais eu d'offre écrite, la crise financière a frappé dans les jours suivant cette proposition et notre acquéreur potentiel ne s'en est jamais relevé. »