Lorsque Marc Parent s'est joint à CAE à titre de président du groupe Produits de simulation, en 2005, le fabricant de simulateurs de vol civils et militaires était en pleine réorganisation. Il fallait réduire la structure de coûts pour réduire l'impact de l'appréciation de plus de 30% que venait d'enregistrer le dollar canadien, en trois ans. «Il fallait agir pour maintenir notre leadership dans l'industrie», se rappelle le PDG.

Près de 10 ans plus tard, l'ex-ingénieur de Bombardier, devenu le grand patron de CAE en août 2009, constate que le principal défi de CAE est encore aujourd'hui de protéger sa position de leadership dans la fabrication de simulateurs de vol et la formation pour l'aviation civile et militaire.

«C'est notre principal enjeu stratégique. On peut maintenir notre position en continuant d'investir comme on le fait toujours dans la recherche et le développement pour demeurer à la fine pointe de la technologie», m'explique Marc Parent dans une rare entrevue.

«Je ne cherche pas l'attention des médias. Je rencontre les journalistes à notre assemblée annuelle, mais ma grande priorité à titre de PDG est de parler à nos clients et à nos employés. C'est ça mon rôle», expose-t-il.

Les hauts et les bas du dollar canadien

Avant d'arriver chez CAE en 2005, Marc Parent a occupé plusieurs postes à la haute direction chez Bombardier Aéronautique, où il avait atterri après avoir décroché son diplôme d'ingénieur.

S'il a dû apprendre chez CAE à composer avec un dollar qui venait de passer de 60 à 80 cents US, il a réussi par la suite à s'ajuster et à vivre avec la parité au dollar américain.

Mais CAE n'est plus l'entreprise qu'elle était autrefois, lorsque 80% de ses revenus provenaient de la vente de simulateurs de vol pour l'aviation civile.

CAE reste le leader incontesté de l'industrie en accaparant 70% du marché mondial des simulateurs civils, mais cette activité ne représente plus aujourd'hui que 20% de ses revenus annuels.

L'an dernier, l'entreprise a réalisé une année record en livrant 48 simulateurs civils, mais elle a aussi fabriqué et vendu une centaine de simulateurs militaires, un secteur d'activité où elle contrôle 25% du marché.

Les activités de fabrication - tant civiles que militaires - représentent aujourd'hui 45% des revenus annuels de CAE alors que ses activités de formation de pilotes, qu'elle a développées à vive allure au cours des dernières années, génèrent maintenant 55% de ses 2,3 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

Le bond en avant 

Il y a trois ans, CAE a consolidé sa position de numéro un mondial dans la formation des pilotes en réalisant l'acquisition de l'entreprise britannique Oxford Aviation, qui était classée troisième au monde.

«On a aujourd'hui 60 centres de formation sur tous les continents de la planète. On dessert des clients de plus de 190 pays et on entraîne 120 000 pilotes par année.

«On a 24 simulateurs de vol à notre centre de formation en Chine où on entraîne chaque année 20 000 pilotes de l'entreprise China Southern», explique Marc Parent.

En dépit de sa nette domination dans ce secteur d'activité, CAE doit rester vigilante. Le géant Boeing est son plus proche concurrent et d'autres acteurs font leur apparition.

«Les gros joueurs militaires américains voient venir depuis quelques années déjà la décroissance des programmes et ils constatent le succès que nous obtenons.

«Lockheed a décidé de s'attaquer à ce marché en faisant l'acquisition d'une entreprise de fabrication de simulateurs des Pays-Bas.

«Il y a deux ans, la firme L-3, qui faisait déjà de la formation militaire, a fait l'acquisition de Thales Training and Simulation qui fait de la formation pour l'industrie civile», constate le PDG.

C'est pourquoi Marc Parent insiste tant sur l'importance de maintenir l'avance technologique que détient CAE en investissant systématiquement dans la recherche et le développement.

Chaque année, l'entreprise de l'arrondissement de Saint-Laurent affecte de 8 à 10% de ses revenus totaux au développement et à l'amélioration de nouvelles technologies, ce qui représente au bas mot plus de 180 millions annuellement.

«On est le seul pure playerde l'industrie et nos clients le reconnaissent. Ils peuvent compter sur nous pour la mise à jour constante de nos bases de données. Il faut maintenir notre avance», plaide-t-il.

De nombreux voyages

Marc Parent passe beaucoup de temps à l'extérieur du pays. La présence planétaire de CAE force son président à se rendre sur place pour y rencontrer ses clients et ses employés. C'est sa priorité, rappelons-le.

«On a 4000 employés à Montréal et 4000 autres aux quatre coins du globe. Je me fais un devoir de rencontrer deux fois par semaine des groupes de 12 à 20 employés pour échanger sur leur travail, sur les façons dont on peut améliorer les processus», précise le président.

Au moment de notre rencontre, Marc Parent arrivait tout juste d'un voyage d'une dizaine de jours à Dubaï, où CAE exploite deux centres de formation qui couvrent les besoins de tout le Moyen-Orient.

Le PDG est un passionné de l'aéronautique et il insiste sur la préciosité de cette industrie de pointe, où Montréal a réussi à s'imposer comme un pôle d'envergure internationale.

«On a une masse d'expertise considérable et novatrice avec les Bombardier, Pratt&Whitney, Héroux-Devtek, Bell Helicopter, Esterline CMC et les 200 PME du secteur. On forme un tout de grande valeur», souligne celui qui a été président du conseil d'Aéro Montréal durant deux ans.

Les experts prédisent que le trafic aérien devrait enregistrer une croissance annuelle de 5% au cours des 20 prochaines années, ce qui veut dire que le trafic aérien mondial aura doublé d'ici 20 ans. Un bel horizon en perspective pour cette force industrielle montréalaise.