Cogeco a fait une croix définitive sur la production de contenus. L'entreprise a choisi de se consacrer totalement à son rôle d'opérateur de réseau de câblodistribution où elle occupe le deuxième rang au Québec et en Ontario. Son PDG, Louis Audet, souhaite aussi profiter du savoir-faire de sa filiale Cogeco Services aux entreprises pour générer, à moyen terme, 50% de tous les revenus du groupe.

Alors que Bell, Rogers et Vidéotron multiplient à grands frais les transactions pour élargir le spectre des contenus qu'ils pourront télédistribuer à leur clientèle, Cogeco, elle, regarde bien sagement défiler la parade.

Le groupe québécois, qui a dévoilé cette semaine les résultats de son premier trimestre - qui ont surpassé les attentes des analystes -, n'a même pas jeté un coup d'oeil aux propriétés d'Astral Media que Bell a mises en vente pour rendre acceptable l'acquisition du groupe montréalais.

«On n'est pas là. On a fait une croix sur la production télé. Les stations de radio anglophones d'Astral ne nous intéressaient pas. Ce n'est pas notre marché. Nous, on est un opérateur pur», insiste Louis Audet.

La division Cogeco Diffusion est propriétaire de 13 stations de radio au Québec et de Métromédia, entreprise d'affichage publicitaire.

«On est très satisfaits de nos stations de radio. On est en position dominante dans plusieurs marchés et notre entreprise Métromédia va terminer cette année l'installation de l'affichage électronique dans une trentaine de stations de métro», souligne Louis Audet.

Ce recentrage de vocation ne date pas de la seule vente de TQS à la famille Rémillard, en 2009. Cogeco était propriétaire d'une trentaine de journaux hebdomadaires dans la région de Montréal qu'elle a vendus à Transcontinental, en 1996.

Cogeco serait-elle à l'origine de la guerre commerciale coûteuse que se sont livrée Québecor et Transcontinental pour le contrôle de la presse régionale au Québec?

La question fait sourire Louis Audet qui estime qu'il serait nettement abusif de lui attribuer pareille paternité.

«Mais je suis content que cette guerre soit maintenant terminée. C'était malheureux que deux entreprises québécoises à contrôle familial s'entredéchirent de la sorte. On a un milieu dynamique et imaginatif, il faut protéger cet écosystème», observe le PDG.

Virage technologique 

«Là encore, les hebdos ne cadraient pas dans nos activités. On marche parfois par essais-erreurs, mais il faut trouver sa voie», poursuit Louis Audet.

À cet égard, le PDG de Cogeco souligne avec contentement que l'acquisition du câblodistributeur américain Atlantic Broadband, réalisée en novembre 2012, au coût de 1,3 milliard de dollars, a contribué aux derniers résultats du groupe.

«Certaines de nos dernières acquisitions ont suscité des critiques. Mais Atlantic Broadband nous a permis de prendre de l'expansion, ce qui n'est plus possible au Canada, où le marché de la câblodistribution est arrivé à maturité», précise-t-il.

C'est pourquoi Cogeco ne prévoit pas réaliser de grande percée dans son secteur d'origine. Mis à part le lancement prochain d'un nouveau système de visionnement de vidéos pour ses clients canadiens, «avec davantage l'ambition de retenir les clients que d'aller en chercher de nouveaux», l'entreprise a plutôt décidé de miser gros sur les services aux entreprises.

«On a fait l'acquisition, en 2008, de Toronto Hydro Telecom qui nous a donné un réseau de fibre optique pour desservir la clientèle d'affaires en transmission de données. On a acheté, en 2011, MTO Telecom et son réseau de 1500 km de fibre optique à Montréal», rappelle le PDG.

Cogeco est donc en bonne position pour gérer le trafic dans l'important couloir Montréal-Toronto. Le marché des transmissions de données est en progression constante et l'entreprise l'a consolidé en réalisant l'acquisition, en janvier 2013, de PEER 1 Network, de Vancouver, important acteur dans le secteur de l'hébergement de données.

«On a 20 centres d'hébergement de données au Canada, aux États-Unis et en Europe. On va bientôt en démarrer un nouveau à Montréal. Les entreprises ne peuvent pas tout stocker. Les institutions financières notamment ont des besoins énormes pour gérer toutes leurs opérations», explique Louis Audet.

Un opérateur en transformation

Cogeco s'est donc engagée à plein dans ce virage vers les services aux entreprises et, selon Louis Audet, cette division devrait à moyen terme générer 50% des revenus totaux du groupe.

«Les revenus de la câblodistribution, de la téléphonie et des branchements internet vont continuer de progresser à un rythme annuel de 5%, mais on enregistre une croissance de 15% par année avec nos services aux entreprises», met en relief le PDG.

Depuis le mois d'août dernier, Louis Audet a pris ses distances avec les activités quotidiennes. Il a confié la présidence de Cogeco Câble à Louise Saint-Pierre, qui travaille au sein de l'entreprise depuis 1999.

«Je ne suis plus dans les opérations. Je veille à l'intégration de nos nouvelles entreprises et je travaille au développement de nouvelles clientèles», résume le gestionnaire.

Louis Audet a pris la relève de son père Henri qui a fondé l'entreprise en 1957 à Trois-Rivières. Louis Audet explique que le prochain PDG du groupe ne sera pas un membre de la famille.

«Ce sera quelqu'un de Cogeco qui va prendre le relais. Mais la famille va continuer d'être l'actionnaire de contrôle de l'entreprise. Il n'est pas question de vendre.

«C'est triste qu'une entreprise du Québec soit vendue à l'extérieur. Si on veut bâtir une économie dynamique, il faut contrôler ses entreprises. C'est beau de faire un coup d'argent, mais il reste quoi à la fin?», observe avec beaucoup d'à-propos le PDG de Cogeco.