Notre rencontre a eu lieu mardi midi, à quelques heures du match inaugural d'une nouvelle et longue saison du Canadien. Malgré la frénésie qui allait bientôt gagner la métropole, c'est un Geoff Molson calme et détendu qui me reçoit dans ses bureaux du septième étage du Centre Bell. Un propriétaire nettement plus confiant qu'il ne l'était il y a deux ans.

«On y est rendu, je n'ai pas de contrôle sur ce qui se passe sur la patinoire, mais tout est en place pour qu'on ait une équipe performante pour la saison qui s'amorce. Par rapport à 2011-2012, qui a été une période très difficile pour le propriétaire, je me sens soulagé», confesse Geoff Molson.

Le Centre Bell a beau afficher complet pour les 41 matchs que le Canadien y disputera pendant la saison, Geoff Molson est éminemment conscient que son organisation ne peut se permettre de ne pas combler les attentes des partisans du club fétiche des Montréalais.

Il y a deux ans, le Canadien a terminé bon dernier dans sa division. Le club n'allait nulle part, n'affichait aucun leadership et a été l'objet de la grogne constante et bruyante de ses fans qui ont attendu toute l'année qu'une étincelle jaillisse.

«Je voyais bien que rien ne fonctionnait. Je le sentais dans mon âme. Les critiques des partisans traduisaient exactement ce que je pensais. Mais je ne pouvais pas le dire.

«Là, on a une bonne équipe de direction en place. On a un directeur général qui est disponible, on a un coach qui est disponible chaque jour pour les médias, je suis disponible, et on a fait le travail avec l'équipe pour être prêts pour la saison», constate le propriétaire du club.

Une bonne transaction, au bon moment

Avec le recul, Geoff Molson est plus à même d'apprécier la transaction que sa famille a menée avec un groupe d'investisseurs - dont Bell, la famille Thomson et le Fonds de solidarité - pour racheter le Canadien en 2009 de l'Américain George Gillett. «On a été chanceux. On a acheté l'équipe au moment où les taux d'intérêt étaient à un niveau plancher et où le taux de change du dollar canadien nous avantageait. Depuis l'acquisition, on a réduit notre endettement et on profite toujours d'un taux de change favorable», explique le PDG.

Sur une masse salariale de 70 millions US, une variation de 1 cent de la valeur du dollar canadien se traduit par une économie ou un débours de 700 000$.

De plus, le Canadien avait bouclé la saison 2009-2010 - la première des nouveaux propriétaires - avec une participation aux séries éliminatoires qui s'est prolongée jusqu'en troisième ronde, avec sept matchs disputés en première et deuxième rondes et cinq matchs en troisième.

Geoff Molson constate par ailleurs que le lock-out qui a fortement affecté le calendrier de la dernière saison n'a pas modifié grandement le rapport de force entre joueurs et propriétaires.

«Le premier lock-out avait été significatif parce qu'il avait instauré un plafond salarial. J'ai toujours été convaincu que la Ligue n'irait pas en lock-out l'an dernier. J'étais probablement trop optimiste, mais à la fin de la journée, ça n'a pas changé grand-chose», souligne-t-il.

La plus-value evenko

L'acquisition du Canadien et du Centre Bell a aussi permis à la famille Molson de mettre la main sur le Groupe Spectacles George Gillett, anciennement Molstar, qui s'est transformé depuis en evenko, une véritable plus-value aux opérations du Canadien de Montréal.

«En termes de revenus, evenko est aujourd'hui plus important que le Canadien. Malgré les commandites et les droits de télé pour les matchs, evenko rapporte plus de revenus. Le Canadien remplit le Centre Bell 41 soirs par année, plus les matchs de séries éliminatoires, alors qu'evenko réalise 140 événements au Centre Bell, ce qui lui assure le premier rang des meilleurs arénas en Amérique du Nord.

«Au total, evenko produit près de 1000 spectacles ou événements familiaux par année. On est le plus gros producteur indépendant au Canada et on occupe le neuvième rang mondial des promoteurs internationaux», décline Geoff Molson.

evenko et Spectra

La présence d'evenko sur la scène montréalaise des spectacles sera encore plus marquante avec l'acquisition du Groupe Spectra et la construction prochaine d'un amphithéâtre à Laval qui va permettre la tenue d'une nouvelle gamme de spectacles pour la troisième ville en importance au Québec.

«C'est moi qui ai approché Alain Simard, il y a deux ans, en vue d'un regroupement entre Spectra et evenko. On se connaissait puisque j'étais responsable du marketing de la Brasserie Molson et qu'on était partenaires du Festival de jazz et des FrancoFolies.

«Cette transaction visait deux objectifs: assurer la pérennité des événements de Spectra et capitaliser sur le festival Montréal en lumière. On est des spécialistes de l'événementiel et on connaît ça, l'hiver», précise Geoff Molson.

Enracinement montréalais

Même si le suivi et le développement des activités du Canadien et d'evenko occupent beaucoup de son temps et de ses énergies, Geoff Molson participe toujours à fond dans le déploiement du groupe Molson Coors, où il siège au conseil d'administration avec son frère Andrew.

«Les activités de brasserie demeurent les fondations de la famille, et on participe activement à la croissance des marques de Molson Coors. C'est un membre de la famille Coors qui est président du conseil pour les deux prochaines années, comme mon frère l'a été au cours des deux dernières et, en mai 2015, ce sera de nouveau notre tour.

«On est toujours forts en Amérique du Nord avec une économie qui est en train de se redresser, mais on travaille aussi à bâtir des marques internationales. On a acheté le brasseur Starbev en Europe centrale et de l'Est et on vient de le fusionner avec Molson Coors Royaume-Uni», explique Geoff Molson.

La famille montréalaise est toujours très impliquée dans la philanthropie. Geoff s'investit particulièrement dans deux causes: la fondation Campus Montréal, qui vise le financement de l'Université de Montréal, de HEC Montréal et de Polytechnique Montréal, ainsi que la fondation de l'hôpital Sainte-Justine.

«La Fondation du CH me tient aussi beaucoup à coeur. On finance la construction des patinoires Bleu Blanc Rouge, des patinoires autoréfrigérées qui coûtent 1,5 million chacune et que l'on implante dans des quartiers montréalais. On est rendus à cinq de ces patinoires qui résistent à la température moins stable de nos hivers», expose le propriétaire du Canadien.

En terminant, Geoff Molson réaffirme qu'il croit encore toujours possible l'implantation d'une nouvelle équipe de la Ligue nationale à Québec, mais enchaîne de façon réaliste qu'il ne voit pas actuellement d'occasions se présenter en ce sens.