Le Fonds de solidarité FTQ est en pleine campagne de souscription annuelle, la 29e de sa jeune histoire et prévoit récolter cette année quelque 775 millions auprès des épargnants-investisseurs. Pour y arriver, Yvon Bolduc, le président du fonds de travailleurs, a décidé de courtiser directement une clientèle plus jeune et de s'ouvrir davantage aux contribuables anglophones en quête de déductions fiscales additionnelles pour leurs placements REER.

Depuis janvier, on peut difficilement manquer les publicités du Fonds de solidarité FTQ sur panneaux géants en bordure des grands axes routiers ou dans les journaux.

Des pubs dont l'illustration oppose deux cornets de crème glacée, l'un orné de deux boules et l'autre - celui qui représente le Fonds - richement garni d'une troisième portion de crème glacée. Une campagne qui n'est pas sans rappeler celle des fameuses «sloches» de Couche-Tard qui s'adresse aux jeunes adolescents.

«Depuis deux ans, on fait un effort pour cibler davantage les jeunes qui cotisent à un REER. Après presque 30 ans d'existence, c'est normal de vouloir rajeunir notre base d'actionnaires puisque beaucoup de ceux-ci prennent ou ont pris leur retraite.

«Et nos efforts portent leurs fruits. L'an dernier on a augmenté de 40% le nombre de nos actionnaires de 40 ans et moins. On a aussi intensifié notre présence publicitaire dans le marché anglophone parce que là aussi, on veut renouveler notre actionnariat et les anglophones composent tout de même 20% de la population québécoise», explique Yvon Bolduc.

En mars 1984, la première campagne de souscription au capital du Fonds FTQ avait permis de récolter 600 000$ auprès de 600 investisseurs. Aujourd'hui, le Fonds compte près de 600 000 actionnaires et son actif est de 8,8 milliards.

Malgré le vieillissement de son actionnariat, le Fonds récolte bon an mal an davantage de nouvelles cotisations qu'il enregistre de retraits. L'an dernier, les clients retraités ont réalisé des sorties de fonds totalisation 620 millions.

«On s'attendait à plus, mais beaucoup de nos actionnaires décident de garder leurs actions du Fonds parce qu'ils réalisent de meilleurs rendements qu'ailleurs», souligne Yvon Bolduc.

Pour les 12 mois terminés le 30 novembre, le Fonds a généré un rendement de 4,7%. De décembre 2009 à mai 2012, le Fonds a produit un rendement annuel composé de 6,42% ou de 25% en 3 ans, renchérit son président.

«Même s'il arrive un jour qu'on enregistre au cours d'une année plus de retraits que de nouvelles rentrées, ce ne serait pas catastrophique. Notre actif est solide et il est très liquide. On peut retirer 4 milliards en l'espace d'un mois. On a beaucoup de positions liquides», rassure le PDG du Fonds.

Démarchage et sollicitation

On connaît le mandat du Fonds. En retour des avantages fiscaux qu'il offre aux investisseurs, le fonds de travailleurs doit investir 60% de ses actifs dans des entreprises québécoises afin de participer au développement économique, générer ou consolider des emplois et encourager l'épargne des travailleurs.

Au fil des ans, le portefeuille d'investissements du Fonds s'est passablement étoffé. L'institution est aujourd'hui partenaire de plus de 2000 entreprises dans 25 secteurs d'activité et c'est encore son équipe de spécialistes de l'investissement qui identifie les opportunités de placement.

«En capital de risque, si tu attends après le téléphone, tu es dans le trouble. Plus de 80% de nos investissements sont le résultat de démarches réalisées par nos équipes. Seulement 20% de nos interventions proviennent d'entreprises en recherche de capital qui nous sollicitent», précise Yvon Bolduc.

Près de 20% des investissements du Fonds sont concentrés dans le secteur des technologies (logiciels, sciences de la vie, jeux vidéo...), mais le fonds est présent dans à peu près tous les domaines de l'activité économique.

Ses investissements récents les plus médiatisés vont de sa participation au rachat du Canadien de Montréal, à la création du groupe Maple qui a racheté la Bourse de Toronto ou au consortium qui va ériger la Tour des Canadiens.

Le Fonds doit régulièrement réviser ses stratégies d'investissement et s'adapter aux nouvelles réalités du marché, c'est ce qu'il a fait notamment dans la foulée de la crise de l'industrie forestière québécoise.

«On est devenus propriétaire de terres forestières, on a financé les scieries qui avaient réussi à passer au travers de la crise et on cible les secteurs porteurs comme la deuxième et troisième transformation avec la firme Chantiers Chibougamau qui produit des structures de bois d'ingénierie.

«On a investi dans le détail avec les quincailleries BME et la production de pâtes à valeur ajoutée en participant avec le groupe Fortress à la transformation des usines de Thurso et de Lebel-sur-Quévillon où on va produire de la pâte cellulosique», explique Yvon Bolduc.

Le PDG du Fonds de solidarité ne peut par ailleurs échapper aux questions et au débat que suscitent les travaux de la commission Charbonneau sur l'industrie de la construction compte tenu de l'importance qu'occupe la FTQ dans ce secteur d'activité.

«La crise a débuté en mars 2009 et déjà en mai de la même année, le conseil d'administration du Fonds a mis en place une gouvernance solide pour nous renforcer. Il y a eu beaucoup d'allégations, mais on n'a jamais transigé avec les entreprises de Catania ou de Borsellino, on a dit n'importe quoi.

«On a changé la structure et la direction du fonds immobilier. On a nommé un comité indépendant d'évaluation des projets. On a resserré les contrôles de vérification diligente et on a resserré la gestion des risques et surtout des risques réputationnels.

«Je ne peux pas agir sur le passé, mais on a agi sur l'avenir. Si on peut juger un équipage à sa capacité d'affronter la tempête, on a une maudite bonne équipe», résume le PDG.