Les actionnaires du TMX ont accepté la semaine dernière l'offre d'achat de 3,8 milliards de dollars du Groupe Maple, le consortium financier canadien que Luc Bertrand a mis sur pied en catastrophe au lendemain de l'annonce du projet de fusion du TMX et du London Stock Exchange, le 8 février 2011.

Si ce vote n'était qu'une formalité, il est toutefois venu clore une longue et ardue bataille qu'a menée sans relâche au cours des 18 derniers mois l'ex-PDG de la Bourse de Montréal.

Très à l'aise financièrement, Luc Bertrand aurait pu décider de ne pas se mêler du dossier. Il venait tout juste de revenir dans le giron de la Banque Nationale, à titre de vice-président du conseil, lorsque le projet de fusion Toronto-Londres a été annoncé.

«Ça faisait seulement deux jours que je venais d'arriver à la Banque lorsque l'annonce de la fusion a été faite. J'étais déçu parce qu'on avait monté une belle opération, efficace et transparente et là on laissait tout tomber.

«La crise de 2008 a mis en lumière les failles dans le contrôle et l'encadrement de plusieurs institutions financières aux États-Unis et en Europe. On faisait l'envie de bien du monde», rappelle Luc Bertrand.

Une Bourse efficace

Ce n'est pas tant par nationalisme économique qu'il a décidé de réagir à cette fusion, mais parce qu'il y avait moyen de monter une opération canadienne beaucoup plus efficace et profitable que celle proposée par le TMX.

«À la Bourse de Montréal, on avait créé une structure très performante parce qu'on avait intégré les opérations de compensation des titres de dérivés à celles des transactions. On pouvait faire la même chose à Toronto en rapatriant les opérations de la CDS (la chambre de compensation) qui appartenait aux grandes banques.

«C'est un projet qu'on avait déjà à l'époque et c'est pourquoi j'ai contacté les quatre grandes banques propriétaires de CDS - la Nationale, la TD, la CIBC et la Scotia - et elles étaient toutes favorables à participer à une contreproposition», explique le financier.

Le projet de fusion Toronto-Londres annoncé le 8 février prévoyait un vote des actionnaires le 30 juin. En l'espace de trois mois, Luc Bertrand a monté le consortium canadien Maple composé de quatre banques, du Mouvement Desjardins et de huit caisses de retraite, dont le Fonds de solidarité et la Caisse de dépôt.

Alors que la transaction avec Londres était réalisée essentiellement par échange d'actions, celle de 3,8 milliards de Maple pour obtenir 80% des actions du TMX était en argent sonnant et proposait 50$ l'action.

On connaît la suite, le conseil d'administration du TMX ne voulait rien entendre de l'offre de Maple, mais Luc Bertrand a réussi à convaincre tous les gros actionnaires du TMX de ne pas répondre à l'offre de Londres.

«Le 30 juin, Londres a retiré son offre, mais les dirigeants du TMX ne voulaient toujours rien savoir. Ça nous a pris quatre mois de négociations et c'est seulement en octobre qu'on a eu une entente», résume Luc Bertrand.

Luc Bertrand a par la suite dû rencontrer personnellement et plusieurs fois les dirigeants de chacune des 11 commissions de valeurs mobilières canadiennes pour bien leur exposer le projet d'acquisition et ses implications. Un processus long et ardu.

Un propriétaire du Canadien

L'ex-PDG de la Bourse de Montréal n'est pas fâché que tout soit enfin terminé. C'est sa passion pour les marchés qui l'a poussé à créer rapidement et de toutes pièces un consortium financier capable d'allonger 3,8 milliards.

«C'est mon métier de faire des transactions et j'avais eu un peu de pratique juste auparavant. Quand j'ai quitté la Bourse en 2009, Andrew Molson m'a demandé de l'aider à mettre sur pied un groupe d'investisseurs avec lequel la famille Molson pourrait acheter le Canadien.

«J'ai monté le groupe en allant chercher le Fonds de solidarité, Bell, la société Woodbridge (le holding de la famille Thomson), la Banque Nationale, Michael Andlauer (le propriétaire des Bulldogs de Hamilton) qui se sont associés à la famille Molson», explique Luc Bertrand.

Il s'est aussi occupé du montage financier auquel Investissement Québec a été associé (son prêt relais a été remboursé depuis).

«Plus je m'impliquais dans la transaction, plus je m'intéressais au Canadien et plus je voyais l'incroyable valeur de cette franchise et de toute l'opération du Centre Bell, et c'est pourquoi j'ai décidé de me joindre au groupe d'actionnaires», explique-t-il dans un large sourire.

Ceci dit, impossible de savoir ce que pense Luc Bertrand du lock-out et de sa durée probable. Il préfère s'en tenir à son rôle d'investisseur-actionnaire et laisser au propriétaire-exploitant Geoff Molson commenter tout ce qui touche à la mythique concession sportive montréalaise.