Beaucoup de jeunes gens d'affaires rêvent du jour où leur entreprise aura atteint la taille et l'importance nécessaires pour leur permettre de l'inscrire à la cote d'un marché boursier. Éric Chouinard, président de iWeb, est quant à lui bien heureux d'avoir réussi sa sortie de la Bourse de croissance TSX en juin dernier. Portrait.

La société iWeb offre des services d'hébergement internet et d'infrastructure de TI auprès de plus de 25 000 clients dans 150 pays. L'entreprise exploite quatre sites distincts à Montréal qui abritent rien de moins que 34 000 serveurs dont la fonction est d'héberger les sites internet de sa constellation de clients.

Chaque site, ou ferme de serveurs, est équipé de génératrices qui ont la taille d'une locomotive et qui assurent leur pleine autonomie, peu importe la durée d'une panne. iWeb réalise un chiffre d'affaires de 30 millions, dont plus de 60% provient de clients à l'extérieur du Canada.

«On a connu une forte croissance entre 2005 et aujourd'hui. Selon la revue Profit, on est parmi les 200 entreprises qui ont enregistré la plus forte croissance au Canada durant cette période», observe Éric Chouinard, le PDG et co-fondateur de iWeb.

Cette forte croissance a été rendue possible par l'inscription en Bourse de iWeb en 2004. L'entreprise, qui affichait alors des revenus annuels de 1,9 million, peinait à trouver du financement pour assurer son expansion.

«Pour obtenir 1 million, il fallait céder 50% de nos actions. Ça n'avait pas de bon sens. On a alors décidé de faire une prise de contrôle inversée en achetant une coquille vide à la Bourse de croissance, la Société d'investissement Léonides. On est allé chercher 500 000$ tout en conservant 89% de nos actions», explique Éric Chouinard.

Cette inscription en Bourse s'est faite en septembre 2004. En 2007, iWeb réalise un nouveau financement de 4,2 millions - auquel souscrit le Fondaction CSN - et un dernier de 2 millions en 2008 par Goldman Sachs qui prend aussi une dette subordonnée de 19 millions.

«Notre groupe d'actionnaires de départ détenait toujours une position de contrôle à 54%. Mais lorsqu'on a eu besoin de nouveaux capitaux, aucune banque ne voulait nous financer. Si on retournait sur le marché, on perdait le contrôle. Or tant qu'à perdre le contrôle, on voulait obtenir un bon prix», résume le jeune entrepreneur.

Gérer la croissance

C'est donc dans ce contexte que iWeb a entrepris les démarches en vue de sa privatisation. Mine de rien, les actions de iWeb qui avaient été émises à 13 cents, en 2004, en valait 1,20$ en mars dernier, lorsqu'un groupe d'investisseurs a lancé une OPA en proposant de racheter toutes les actions du groupe au prix de 1,50$ l'action.

Au final, Novacap et la Caisse de dépôt ont investi 47 millions pour acheter des actions de iWeb et rembourser la dette subordonnée à Goldman Sachs; le Fondaction CSN a investi 12,5 millions en actions de iWeb et la Banque de Montréal a allongé 22 millions en dette subordonnée.

«Le management a pu conserver 31% des actions de iWeb. On a nettoyé notre bilan et on dispose des fonds nécessaires pour réaliser notre plan stratégique qui est de faire passer de 30 à 100 millions nos revenus d'ici quatre ans. On a 180 employés et on va en embaucher 60 nouveaux au cours des prochains mois», explique Éric Chouinard.

«Cette privatisation nous a permis de concentrer tous nos efforts sur la gestion de la croissance de iWeb. On n'a plus à se soucier de toutes les contraintes juridiques qui sont liées à la gouvernance d'une société inscrite en Bourse», dit-il avec soulagement.

La piqûre internet

C'est sur les bancs d'école, ceux de l'UQAM, qu'Éric Chouinard a fondé iWeb, en 1996. Il entame alors sa deuxième année au bac en comptabilité de management et découvre soudainement le local internet de la Faculté des Sciences de la gestion.

C'est la piqûre instantanée. Il a trouvé sa voie, ce sera celle du web.

«Je passais tout mon temps à explorer tous les aspects d'internet. C'était les débuts du web et j'étais fasciné. À la même époque j'ai vu une annonce de la Banque fédérale de développement qui avait mis sur pied le programme Étudiants bien branchés.

«Il fallait brancher et initier les entreprises à internet. J'ai commencé à faire ça et je me suis rendu compte qu'il y avait là un potentiel énorme. J'ai tout de suite décidé d'enregistrer ma compagnie. J'ai complété ma deuxième année de bac mais ça m'a pris trois ans pour terminer ma dernière année... J'étais embarqué», se rappelle Éric Chouinard.

Avec son ami Martin Leclaire - étudiant en informatique de gestion et co-fondateur de iWeb -, il élargit la clientèle en s'inscrivant notamment à la Chambre de commerce de Montréal où il sollicite toutes les entreprises-membres pour leur offrir ses services de branchement et de formation à l'internet.

«On a vu qu'il y avait un besoin dans le domaine de l'hébergement où les gens étaient mal servis. On a décidé d'offrir les services d'hébergement à tous les sites francophones. En 1999, on avait une cinquantaine de clients. Avec l'éclatement de la bulle technologique en avril 2000, la croissance a été stagnante jusqu'en 2003 mais à partir de là, on a bien tiré notre épingle du jeu», mentionne-t-il.

Ironie du sort, Éric Chouinard - qui a longtemps pensé qu'il n'arriverait jamais à compléter son bac en management - recevra le 15 novembre prochain le prix Jeune Leader de la Faculté des Sciences de la gestion de l'UQAM. «J'ai été chanceux, on remet ce prix à un leader de moins de 40 ans et je vais avoir 40 ans le mois prochain.»

La décision stratégique marquante

Curieusement, si Éric Chouinard confesse qu'il est très heureux de ne plus avoir à supporter la lourde et coûteuse gouvernance d'une société publique, il avoue sans ambages que la décision stratégique la plus importante qu'il a prise depuis la fondation de iWeb a été justement d'inscrire l'entreprise à la cote de la Bourse de Toronto.«Oui, c'est du trouble de gérer une société publique. Oui, je suis libéré des énormes contraintes de divulgation de l'information. Oui, j'économise beaucoup en frais de conformité», laisse-t-il tomber.«Mais la décision de s'inscrire en Bourse a été extrêmement profitable en terme de cheminement personnel et professionnel. Ça m'a appris la discipline, la rigueur, ça nous a permis de bâtir une structure financière solide et ça m'a surtout forcé à bien définir qui on était, qu'elle était la valeur exacte de notre proposition dans le marché.«Ça été une expérience extrêmement profitable à tous les plans», réalise-t-il aujourd'hui.