La Fondation Lucie et André Chagnon vient de recevoir un prix international pour son oeuvre philanthropique auprès des enfants québécois. Une reconnaissance mondiale que la famille Chagnon attribue aux efforts déployés par le personnel de la fondation et tous ses collaborateurs.

De simple électricien, André Chagnon a bâti un empire: Vidéotron. Doté d'un sens des affaires hors du commun, il a vendu son empire au sommet de la bulle des télécoms, en 2000. De la somme de 1,8 milliard de dollars qu'il a encaissée à la vente de son bloc d'actions de Vidéotron, il a transféré l'astronomique montant de 1,4 milliard dans la Fondation Lucie et André Chagnon. Il s'agit ici de la plus importante oeuvre de bienfaisance canadienne à être administrée par une fondation privée.

«On est cinq enfants. L'idée de céder une grande partie du patrimoine familial dans une fondation caritative vient de mon père, avec évidemment l'appui de ma mère. Son idée était faite depuis longtemps lorsqu'il nous en a parlé. Mais il n'a pas eu à nous convaincre avant d'obtenir notre accord. On s'est facilement rallié à son projet de fondation», nous précise son fils Claude, qui a pris la relève du paternel à titre de PDG de la fondation.

«Bien qu'il reste toujours actif à titre de président du conseil d'administration de la fondation, mon père (82 ans) a décidé de passer plus de temps avec ma mère. Il faut dire qu'on est rendu avec la fondation à l'étape où on doit opérationnaliser notre vision, concrétiser et mettre en place nos partenariats avec le gouvernement. J'ai un peu plus de patience que mon père pour le détail du quotidien. Lui, il voit toujours 10 ans en avant. Quand on lui dit: voici ce qu'on va faire pour les dix prochaines années, il nous répond O.K., mais on va faire quoi après?»

«Le bon côté de la fondation, ajoute Claude Chagnon, en entrevue exclusive accordée à La Presse Affaires, c'est que ça rassemble bien plus la famille que du temps de l'entreprise, bien qu'on ait tous été impliqués de différentes façons dans Vidéotron.» Parlant de famille, outre Lucie, André et leurs cinq enfants, le clan Chagnon ça comprend aussi 16 petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants.

Reconnaissance internationale

En octobre prochain, la fondation des Chagnon fêtera son 10e anniversaire. C'est le 23 octobre 2000, la journée du «closing» de l'achat de Vidéotron par Quebecor et son partenaire financier, la Caisse de dépôt et placement du Québec, que la famille Chagnon injectait les trois quarts de sa fortune dans la mise en exploitation de la fondation familiale.

Heureuse coïncidence en cette année de 10e anniversaire, pour souligner l'apport de cette oeuvre philanthropique, la famille Chagnon vient de remporter une reconnaissance internationale.

Dans le cadre des «Deuxièmes rencontres philanthropie et développement durable» organisées par le groupe bancaire français BNP Paribas, un sélect jury international et indépendant lui a décerné en juin le Grand Prix de la philanthropie.

Présidé par Suzanne Berger, professeur de sciences politiques au Massachusetts Institute of Technology de Boston (MIT), le jury comptait notamment parmi ses 11 prestigieux membres le professeur Amartya Sen, de l'Université de Harvard (Prix Nobel d'économie 1998), Michael Golden (vice-président du Groupe New York Times), Louis Schweitzer (ex-PDG de Renault) et le Conseiller d'État honoraire Jacques Rigaud (ex-PDG de la société française RTL).

Qu'est-ce qui a incité ce jury d'experts à choisir la famille Chagnon parmi les 20 groupes philanthropiques sélectionnés cette année?

«La Famille Chagnon a été récompensée, indique le jury, pour la Fondation Lucie et André Chagnon qui soutient le développement global de l'enfant, contribue à la promotion d'un mode de vie sain et encourage la persévérance scolaire chez les jeunes Québécois.»

Le jury a été séduit par le fait qu'avec le soutien de leurs cinq enfants, Lucie et André Chagnon ont décidé, à la suite de la vente de Vidéotron, de se consacrer à la philanthropie en investissant 76% de leurs biens dans la fondation familiale. Et autre facteur important aux yeux du jury: la participation directe des membres de la famille Chagnon dans les activités de la fondation.

Une mission originale

Il faut dire que le jury a été particulièrement touché par la mission originale de la fondation.

Quelle est cette mission? «Agir sur les causes de la pauvreté et de la maladie - plutôt que sur leurs conséquences - et soutenir les communautés dans leurs actions et leur recherche de solutions novatrices, globales et durables.»

Comment? S'appuyant sur de solides recherches universitaires, la fondation Chagnon croit que la prévention et l'intervention précoce auprès des enfants augmentent les chances de succès scolaire et d'adoption d'un mode de vie sain. La fondation estime que la réussite éducative permet le développement personnel, l'autonomie intellectuelle, l'intégration dans la vie professionnelle et la participation au développement de la société.

Pour atteindre les objectifs de sa mission, la Fondation a déboursé jusqu'à présent quelque 300 millions de dollars dans une panoplie de projets.

Et, à partir de maintenant, la fondation dépensera environ 70 millions par année pour soutenir ses projets philanthropiques au Québec.

Pourquoi le Québec? «Parce que c'est ici que l'entreprise de mon père (Vidéotron) a connu la prospérité. Pour la famille, il va de soi qu'on doit aider nos concitoyens les plus démunis.»

Un juste retour des choses! Ainsi, avec la Fondation Lucie et André Chagnon, l'argent tiré de la vente de Vidéotron est revenu en grande partie à la communauté québécoise.

Un conseil indépendant

Et c'est irréversible. La fondation est propriétaire à 100% du don de 1,4 milliard que la famille Chagnon y a fait. Bien que la famille soit active au sein de la fondation, Claude Chagnon tient à préciser qu'elle n'en contrôle pas les destinées. La constitution de l'organisme de bienfaisance prévoit que le conseil d'administration sera toujours composé majoritairement de gens provenant de l'extérieur de la famille Chagnon.

Autre geste généreux envers la fondation, selon les dispositions prévues dans le holding familial des Chagnon, il est prévu qu'à la fin de l'extinction des petits-enfants, le solde du patrimoine familial sera versé à la fondation.